mardi 31 décembre 2019

Exquises vacances (7)


Avant de passer à table, Émilie est venue me rejoindre dans le petit jardin en contrebas.
‒ Qu’on discute un peu ! On a bien le temps.
On avait le temps, oui. Tout notre temps.
J’ai souri.
‒ Alors ? Cette journée en amoureux ?
‒ Super ! Un moment hors du temps. On vivrait ensemble au quotidien, ce ne serait sans doute pas la même chose. Mais là, une petite semaine par ci, une petite semaine par là, de temps à autre, t’en profites à fond.
‒ Ne pas vivre ensemble. La solution de sagesse
‒ En douce que toi, les oreilles ont dû te siffler.
‒ Parce que ?
‒ Parce que maintenant qu’il sait que tu te fais du bien en nous écoutant, il m’assaille de questions à ton sujet. Si tu te le fais souvent ? Comment ? Sur quoi tu fantasmes ? Et tutti quanti. J’ai beau lui dire et lui répéter, sur tous les tons, qu’on n’en a pas vraiment parlé et qu’on a bien d’autres sujets de conversation, il y a rien à faire.
‒ Il va être ravi de son cadeau d’anniversaire alors !
‒ Tu parles ! J’imagine déjà sa tête quand il va te voir débouler à poil dans la chambre et te mettre tranquillement à te caresser en nous regardant.
‒ Tu lui as pas vendu la mèche au moins ?
‒ Oh, ben non ! Non ! Qu’il ait la surprise !
Elle a esquissé un petit sourire qui s’est progressivement épanoui.
‒ Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qui t’amuse ?
‒ C’est que c’est bien un mec. Parce que pour lui, si tu te masturbes, c’est que t’es en manque.
J’ai ri. Franchement.
‒ Pas vraiment, non. Certes, avec mon mari, c’est pas ça qu’est ça. Mais bon ! Il y a tout un tas de charmants jeunes gens, ou moins jeunes, qui ne demandent qu’à rendre service. Toute seule, c’est autre chose. On se fait l’amour à soi-même. À son rythme. Avec ses fantasmes. Ses images. Son histoire.
‒ Je suis bien de ton avis. Mais c’est le genre de choses qu’il ne me viendrait pas à l’idée d’aller tenter de lui expliquer. Parce qu’il est très gentil, Théo. Il a plein de qualités. Mais il a aussi plein de certitudes. Et quand il a une idée en tête, pour l’en faire démordre…
‒ Comme beaucoup.
‒ S’il savait !
‒ S’il savait quoi ?
‒ Que même là… Et pourtant avec lui je prends mon pied. Et pas qu’un peu ! Eh ben, même là, j’en profite qu’il ait le dos tourné. J’en ai besoin de ça. J’en ai toujours eu besoin.
‒ Ça doit pas être facile. Vous êtes fourrés toute la journée ensemble.
‒ On trouve toujours des solutions quand on veut. Surtout qu’il a ses petites habitudes. Le matin, il descend systématiquement chercher son journal. Le temps qu’il flâne un peu. Qu’il aille boire un café. Ça me laisse une bonne demi-heure. Je la mets à profit pour paresser voluptueusement entre les draps et me laisser aller à mes rêveries. Alors pas toujours, mais souvent…
‒ Eh, mais c’est que je vais tendre l’oreille d’une façon complètement différente, moi, maintenant le matin !
‒ Oh, et puis il y a pas que ça ! Il y a aussi… Tu vas me trouver tordue !
‒ Mais non, dis !
‒ Il y aussi, quelquefois, sous la douche. Avec l’eau. Et lui, allongé sur le lit, dans la chambre. Plongé dans la lecture de son journal. Faut que je fasse attention. À pas gémir. À pas haleter trop fort. Qu’il se rende pas compte. Parce que comment il serait vexé ! Mais c’est justement ça qu’est excitant. De me dire qu’à tout moment ça pourrait me déborder. Que je maîtriserais plus rien. Ou qu’il pourrait surgir. Sous un prétexte quelconque.
‒ Tiens, ben le v’là justement !
Il s’est approché, s’est penché sur elle, lui a déposé un baiser sur la nuque.
‒ Alors, mesdames ! On complote ?

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