mardi 24 décembre 2019

Exquises vacances (6)


Émilie m’avait prévenue.
‒ Je serai pas là, cet après-midi. Théo veut aller faire un peu de tourisme avant de repartir.
Et je me suis retrouvée au bord de la piscine en la seule compagnie d’une petite brune qui, affalée sur une chaise longue, pleurait toutes les larmes de son corps.
Je me suis approchée d’elle.
‒ Quelque chose qui va pas ?
Elle a redoublé de sanglots.
‒ Si ! Non ! J’en ai marre, mais j’en ai marre !
‒ C’est votre ami, hein, c’est ça ?
Un grand maigre avec lequel elle dînait, le soir, à une petite table tout au fond de la salle de restaurant.
‒ Je le comprends pas. Je le comprends plus.
‒ Une mauvaise passe. Faut peut-être pas dramatiser.
‒ Je sais pas. Je sais plus. Tout avait l’air d’aller bien pourtant. Il était heureux de venir en vacances ici. Il s’en faisait toute une fête. Et puis d’un seul coup…
Et elle s’est remise à pleurer de plus belle.
‒ Il a plus envie de moi. Pas une seule fois il m’a touchée depuis huit jours qu’on est arrivés.
‒ Il en a une autre ?
‒ Je me suis demandé, mais je crois pas, non. Ici, je m’en serais forcément rendu compte. Ailleurs ? Il téléphone pas. Il cache pas son portable. Il me laisse m’en servir.
‒ Il vous a dit quoi au juste ?
‒ Ben ça ! Qu’il a plus envie de moi. Et qu’il s’emmerde à cent sous de l’heure quand on baise.
‒ Vous avez quel âge ?
‒ Vingt-et-un.
‒ Et lui ?
‒ Pareil.
Il y a longtemps que vous êtes ensemble ?
‒ Trois ans.
‒ Je voudrais pas être indiscrète, mais bon, entre femmes on peut se dire carrément les choses. Vous agrémentez un peu vos rapports de temps en temps ?
‒ Comment ça ?
‒ Je sais pas, moi ! Avec des objets par exemple.
‒ On a essayé au début, mais j’ai pas bien aimé. Et il a pas trop insisté là-dessus. Je crois pas que ce soit vraiment son truc non plus.
‒ Vous le prenez dans votre bouche ? Ça, c’est quelque chose que les types en général…
‒ Je sais, oui. Ça me déplaît pas, ça. Et lui aussi, il aime. Enfin, il aimait. Parce qu’il est beaucoup moins demandeur qu’avant là-dessus. Il dit que ça finit par être toujours un peu la même chose.
‒ Et, excusez mon franc parler, mais si je veux pouvoir vous aider… Vous le laissez vous venir derrière ?
‒ Aussi, oui. Je lui ai jamais refusé.
‒ À contrecœur ? Parce que s’il vous sent pas vraiment motivée…
‒ Je trouve pas ça désagréable du tout.
‒ Oui. Alors, je peux me tromper, mais, à mon avis, il y a certainement quelque chose dont il a très envie, qui compte énormément pour lui au point que tout le reste lui paraît sans la moindre saveur, mais dont il répugne à parler soit parce que ça lui pose personnellement problème soit parce qu’il est convaincu que vous lui opposeriez un refus formel et sans appel.
‒ Qu’est-ce ça peut bien être ?
‒ C’est bien là toute la question. C’est sans doute quelque chose qui vous est tellement étranger, à vous, que ça ne vous vient même pas à l’idée.
‒ Faudrait bien que je trouve pourtant.
‒ Si vous voulez vous en sortir, oui ! Ça fait pas l’ombre d’un doute. Et vous avez deux solutions : ou bien vous lui posez carrément la question. Au risque de le voir se refermer comme une huître. Ou bien vous vous mettez à l’affût et un mot, un regard, un hasard peuvent vous mettre sur la piste. Et une fois que vous saurez de quel côté chercher…
‒ Oui, c’est ce que je vais faire. Ça me redonne de l’espoir ce que vous me dites là. Tout n’est peut-être pas perdu.
‒ Bien sûr que non ! Vous me tiendrez au courant ?
‒ Oh, oui, oui ! Promis !

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