Émilie
m’avait prévenue.
‒ Je
serai pas là, cet après-midi. Théo veut aller faire un peu de
tourisme avant de repartir.
Et
je me suis retrouvée au bord de la piscine en la seule compagnie
d’une petite brune qui, affalée sur une chaise longue, pleurait
toutes les larmes de son corps.
Je
me suis approchée d’elle.
‒ Quelque
chose qui va pas ?
Elle
a redoublé de sanglots.
‒ Si !
Non ! J’en ai marre, mais j’en ai marre !
‒ C’est
votre ami, hein, c’est ça ?
Un
grand maigre avec lequel elle dînait, le soir, à une petite table
tout au fond de la salle de restaurant.
‒ Je
le comprends pas. Je le comprends plus.
‒ Une
mauvaise passe. Faut
peut-être pas dramatiser.
‒ Je
sais pas. Je sais plus. Tout avait l’air d’aller bien pourtant.
Il était heureux
de venir en vacances ici.
Il s’en faisait toute
une fête. Et
puis d’un seul coup…
Et
elle s’est remise à
pleurer de plus belle.
‒ Il
a plus envie de moi. Pas
une seule fois il m’a touchée depuis huit jours qu’on est
arrivés.
‒ Il
en a
une autre ?
‒ Je
me suis demandé, mais je
crois pas, non. Ici, je m’en serais forcément
rendu compte. Ailleurs ?
Il téléphone pas. Il
cache pas son portable. Il me laisse m’en servir.
‒ Il
vous a dit
quoi au juste ?
‒ Ben
ça ! Qu’il a plus envie de moi. Et qu’il s’emmerde à
cent sous de l’heure quand
on baise.
‒ Vous
avez quel âge ?
‒ Vingt-et-un.
‒ Et
lui ?
‒ Pareil.
Il
y a longtemps que
vous êtes ensemble ?
‒ Trois
ans.
‒ Je
voudrais pas être indiscrète, mais bon,
entre femmes on peut se
dire carrément les
choses. Vous
agrémentez un peu vos
rapports de
temps en temps ?
‒ Comment
ça ?
‒ Je
sais pas, moi ! Avec des objets par exemple.
‒ On
a essayé au début,
mais j’ai pas bien aimé.
Et il a
pas trop insisté
là-dessus. Je crois pas que ce soit vraiment
son truc non
plus.
‒ Vous
le prenez dans votre bouche ? Ça,
c’est quelque chose que les types en général…
‒ Je
sais, oui. Ça me déplaît
pas, ça.
Et lui aussi, il aime. Enfin, il aimait. Parce
qu’il est beaucoup moins demandeur qu’avant là-dessus. Il dit
que ça finit par être
toujours un peu la même chose.
‒ Et,
excusez mon franc parler, mais si je veux pouvoir vous aider… Vous
le laissez vous venir derrière ?
‒ Aussi,
oui. Je lui ai jamais refusé.
‒ À
contrecœur ? Parce que s’il vous sent pas vraiment motivée…
‒ Je
trouve pas ça désagréable du tout.
‒ Oui.
Alors, je peux me tromper, mais, à mon avis, il y a certainement
quelque chose dont il a
très envie, qui compte énormément pour lui au point que tout le
reste lui paraît sans la moindre saveur, mais dont il répugne à
parler soit parce que ça lui pose personnellement problème soit
parce qu’il est convaincu que vous lui opposeriez un refus formel
et sans appel.
‒ Qu’est-ce
ça peut bien être ?
‒ C’est
bien là toute la question. C’est
sans doute quelque
chose qui vous est tellement étranger, à vous, que ça ne vous
vient même pas à l’idée.
‒ Faudrait
bien que
je trouve pourtant.
‒ Si
vous voulez vous en sortir, oui ! Ça fait pas l’ombre d’un
doute. Et vous avez deux solutions : ou bien vous lui posez
carrément la question. Au risque de le voir se refermer comme une
huître. Ou bien vous vous mettez à l’affût et un mot, un regard,
un hasard peuvent vous
mettre sur la piste. Et une fois que vous saurez de quel côté
chercher…
‒ Oui,
c’est ce que je vais faire. Ça me redonne de l’espoir ce que
vous me dites là. Tout n’est peut-être pas perdu.
‒ Bien
sûr que non ! Vous me tiendrez au courant ?
‒ Oh,
oui, oui ! Promis !
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