mardi 26 février 2019

Clorinde, ma colocataire (18)


– Bon, mais alors qu’est-ce qu’elle fout ? Elle se connecte ?
– Qui ça ?
– Ben, Emma, tiens ! Qu’on lui raconte notre petite expédition de tout-à-l’heure. Elle va adorer. En attendant, en douce que sur ce coup-là, on n’a pas vraiment assuré. On a détalé comme des lapins. Comme si on avait le feu au cul. Non, ce qu’il aurait fallu, c’est s’attarder au contraire. Pour bien en profiter. Parce que pas besoin de vous en faire que, même que vous m’ayez empêchée de beugler, ils se sont forcément rendu compte de quelque chose. Vu comment vous étiez rouge en sortant de là-dedans…
– Tu peux parler, toi ! T’étais pas mal non plus dans ton genre. Écarlate. Et tout échevelée.
– C’est pour ça ! À tous les coups, ils ont dû croire qu’on y avait baisé dans la cabine. Et on serait restés à se balader entre les portants, je serais retournée essayer, on aurait eu droit à tout un tas de regards pleins de sous-entendus, de chuchotements derrière notre dos. Des quantités de trucs. Comment je me serais régalée, moi ! Pas vous ? Remarquez, rien nous empêche d’y retourner, hein ! D’autant que je l’ai pas eu mon cadeau, finalement ! Ah, la v’là, Emma ! Ça y est ! La v’là ! Salut, toi ! Ben, approchez-vous ! Qu’elle vous voie ! Plus près ! Alors, qu’est-ce tu deviens ?
– Oh, ben tu sais, moi, c’est photos, photos et encore photos…
– Et beaux mecs, beux mecs et encore beaux mecs.
– T’as tout compris.
– Oui, ben en attendant, ça fait quand même un sacré moment que tu m’as pas envoyé d’échantillons.
– Ça peut s’arranger.
– J’y compte bien. Et de jolis petits specimens, hein ! Tu connais mes goûts !
– Oh, pour ça, oui ! Bon, mais et toi ? De ton côté, qu’est-ce tu deviens ?
– Moi ? Ça baigne. Je suis toujours chez lui, là. On s’entend comme larrons en foire. Tu verrais comment on s’éclate tous les deux. On se tape de ces délires. Comme là, tout-à-l’heure… Figure-toi qu’il a voulu m’offrir une robe… Et moi, tu me connais. Les cabines d’essayage, ça me rend folle.
– Ah, ça, je suis bien placée pour le savoir…
– Du coup, à peine on a été bouclés là-dedans que ça m’a prise. Et comme, en plus, lui, il s’y est mis aussi. Et que c’est trop excitant la façon dont il se le fait…
– Je vois… T’as mis la révolution dans la boutique, expansive comme tu es.
– Oui. Enfin, non. Ça a failli. Seulement failli. Parce qu’il m’a plaqué la main sur la bouche. De toutes ses forces. Sauf que, moi, d’instinct, j’ai planté les dents dedans.
– Aïe !
– Tu peux le dire ! Comment je l’ai arrangé, le pauvre ! Tiens, regarde !
Elle m’a pris la main, l’a approchée de l’œil de la caméra.
Emma a émis un petit sifflement.
– Eh ben dis donc ! Tu fais pas les choses à moitié, toi, quand tu t’y mets.
– Surtout que là, il est perdant sur toute la ligne. Non seulement il a pas eu le temps de se finir, mais maintenant, en plus, vu l’état dans lequel je la lui ai mise, il peut plus trop se servir de sa main.
– Prête-lui la tienne ! Tu lui dois bien ce petit dédommagement, non ? Après tout ce qu’il vient de faire pour toi.
– Oui. C’est vrai. T’as raison. C’est la moindre des choses. S’il a rien contre, bien sûr !
Hein ? Ah, mais non ! Non ! J’avais rien contre. Rien du tout. Au contraire.
– Dans ces conditions…
Et elle me l’a résolument sortie. Elle me l’a empoignée et elle a entrepris un lent mouvement de va-et-vient. Sur l’écran, Emma s’était rencognée dans son fauteuil. Ses lèvres étaient légèrement entrouvertes. Ses narines palpitaient. Son coude bougeait.
Clorinde a accéléré le mouvement. Vite. De plus en plus vite. Je me suis répandu.
Sur l’écran, Emma a gémi.

mardi 19 février 2019

Clorinde, ma colocataire (17)


– J’ai pas eu de cadeau hier, n’empêche !
– Tu manques pas d’air, toi ! Et le restaurant alors ?
– C’est pas un cadeau qui se garde, ça, le restaurant. Ça compte pas.
– Ben, voyons !
– Non, ce qu’on pourrait peut-être, c’est aller faire un tour dans un magasin de sapes. On sait jamais. Des fois qu’on trouve un truc qui m’aille. Et puis les cabines d’essayage, moi…
– Ça t’inspire…
– Ben oui, je vous ai bien raconté la fois avec Emma… Sauf que ce coup-ci, ce serait avec vous. Ce serait encore mieux. C’est ça que je voulais vous dire, hier soir, là-bas, quand on mangeait. Seulement…
– Seulement t’étais déjà tellement avancée que t’avais peur, si on parlait de ça, de plus rien pouvoir maîtriser du tout.
– Voilà, oui.
– Et dans un endroit chic et feutré comme celui-là, tes hurlements de jouissance débridée auraient fait tache, ça, c’est sûr…
– Oui, bon, mais on cause… On cause… Si on y allait, non, plutôt ?

Et on a arpenté, en long et en large, quatre on cinq rues commerçantes.
– Là ?
– Oh, non, pas là, non !
Il y avait tout un tas de conditions à remplir.
D’abord, il fallait qu’il y ait le choix.
– Si je veux trouver quelque chose qui me plaise… Et qui m’aille…
Ensuite qu’il y ait beaucoup de clients.
– Que ce soit excitant de les entendre autour.
Et enfin que le patron ait un certain âge.
– Et le genre à laisser discrètement traîner les yeux sur les nanas.

Elle a enfin, après nous avoir fait effectuer un interminable périple, trouvé la boutique de ses rêves.
Et elle a essayé. Une robe. Une autre. Une troisième. A fini, par s’asseoir, en petite culotte et soutien-gorge vert amande, sur le tabouret. Dans la cabine voisine, on s’esclaffait. Des voix de femmes. Jeunes. « Eh ben, dis donc, si tu lui fais pas attraper l’infarctus avec ça ! »
Elle s’est doucement caressée. Les seins. Les deux. Les doigts faufilés sous les bonnets. Et puis le minou. À travers le tissu. De bas en haut. Et de haut en bas. Les yeux plantés dans les miens. De plus en plus vite. Le souffle de plus en plus court.
Au-dehors, il y avait des bruits de pas. Qui longeaient notre rideau. Une vendeuse insistait… « Si, si, Madame, ça vous va, je vous assure ! » Le patron encaissait, d’une voix grave. « Au revoir ! Au plaisir ! »
Elle a enfoui une main dans sa culotte. Qui y a ardemment moutonné. J’ai déboutonné mon pantalon. Je me suis sorti. J’ai refermé mes doigts sur moi. Et tous les deux. Ensemble. Elle a haleté.
– Je vais jouir ! Je vais jouir ! Oh, c’est trop bon…
Les yeux chavirés de bonheur.
J’ai senti venir la catastrophe. Ça allait la déborder. Elle allait la submerger, sa jouissance. Retentir dans tout le magasin. Je me suis précipité. Je l’ai bâillonnée de la paume de ma main. Sur laquelle elle a refermé les dents. De toutes ses forces. J’ai étouffé un hurlement. Elles les y a laissées enfoncées jusqu’à ce que son plaisir soit retombé. Ce n’est qu’alors qu’elle a relâché son étreinte.
– Pardon… Pardon… Je suis désolée.

Une fois au-dehors, on a fait quelques pas sur le trottoir.
– Eh ben dites donc, heureusement que vous étiez là. Parce que je maîtrisais plus rien, moi !
Elle m’a pris la main.
– Faites voir ! Ah, quand même ! Quand même ! J’y suis allée de bon cœur, dites donc !
Elle a esquissé un petit sourire taquin.
– Oui, mais c’est votre faute aussi ! Si vous m’aviez pas déballé votre queue sous le nez…
– Ce culot ! Non, mais alors là, ce culot…

mardi 12 février 2019

Clorinde, ma colocataire (16)

Elle a hoché la tête.
– Il est bien sûr de lui, votre Martial, là.
– Je l’ai toujours connu comme ça.
– Oui, ben il me passera pas à la casserole. De ce côté-là, il y a pas le moindre risque. Par contre, quel pied je vais prendre à le regarder faire la roue devant moi, alors ça ! Bon, mais dites-moi ! On est quel jour ?
– Le quinze. Non, le seize. Pourquoi ?
– Le seize, oui. Et vous avez pas oublié quelque chose ?
– Wouah ! C’est ton anniversaire.
– C’est mon anniversaire, oui. Depuis ce matin. Et vous vous en fichez complètement.
– Mais non, mais… Je suis désolé. Va vite te préparer, tiens ! Je t’emmène au restaurant.
– Et un bon, hein ! Vous avez intérêt. Si vous voulez que je vous pardonne…

Un bon. Étoilé. Avec des nappes blanches. Des chandeliers. Et des serveurs aux petits soins.
Elle s’est penchée.
– Qu’est-ce tu regardes ?
– La nappe. Elle descend bas. Elle cache. Comme ça, si jamais l’envie me prend d’aller me rendre une petite visite là-dessous…
– Tu es infernale.
– De plus en plus. Et c’est de votre faute.
– Ben, voyons !
– Enfin, grâce à vous, plutôt ! C’est vrai qu’il y a eu – et qu’il y a encore Emma – mais Emma, c’est pas pareil. C’est une femme. Vous, vous êtes un homme et vous me jugez pas. Jamais. Du coup, je peux me laisser aller à être complètement ce que je suis. Comment ça fait du bien ! Je me sens au large. Et je me découvre. Si, c’est vrai, hein ! Il y a tout un tas de pans de moi-même dont je me rends compte que je ne leur laissais pas vraiment les coudées franches. Que je les bridais. Ou que je les vivais en demi-teinte. On a beau se dire qu’on se fout du qu’en-dira-t’on comme de l’an quarante – quitte à faire quelquefois de la provoc ; et ça, je sais faire, quand il faut ! – c’est jamais tout-à-fait vrai. On a toujours le regard des autres qui nous traîne plus ou moins dessus. Sauf que le vôtre, de regard, il rend tout ce qu’il touche simple. Naturel. Tout va de soi. J’adore capter les regards des hommes ? Les retenir ? C’est bien. C’est même très bien. Les exciter m’excite ? Vous n’y trouvez absolument rien à redire. Bien au contraire. Chaque fois que j’en ai l’occasion, je mate leurs queues avec délectation ? Et alors ? Vous voyez vraiment pas pourquoi ça devrait poser problème. Du moment que j’y trouve mon compte. Mais le « pire », depuis que je vous connais, c’est ça : me branler. Non, mais comment ça me tient ! Dix fois plus qu’avant. Et c’est pas peu dire. Sans arrêt j’y pense. Tous les jours je me le fais. Au moins une fois. Quand c’est pas plus. Il y a toujours quelque chose, à un moment ou à un autre, qui me donne envie. Et vous savez ce qu’a changé ? C’est que maintenant j’accepte complètement l’idée que je prends bien plus de plaisir toute seule qu’avec un mec. Avant, ça n’empêchait rien, non, bien sûr, mais j’avais quand même toujours une petite voix en arrière-fond qui me disait que c’était pas normal. Que j’étais pas normale. Que c’était dans l’autre sens que ça devait être. Eh ben, non ! C’est comme ça. Je suis comme ça. Et puis voilà.
– Et qu’est-ce j’ai à voir, moi, dans cette métamorphose-là ?
– Je sais pas. Tout ce que je sais, c’est que c’est lié à vous. Et ça, j’en suis sûre. D’ailleurs…
– D’ailleurs ?
Elle n’a pas répondu. Ses yeux se sont perdus dans le lointain.
– D’ailleurs ?
– Non, rien. Plus tard je vous dirai. Tout-à-l’heure. À la maison.
– Clorinde…
– Oui ?
– Donne-moi ta main.
Elle m’a tendu la gauche.
– Non. L’autre… Celle qu’est sous la table.
Je l’ai portée à mes narines. Y ai posé les lèvres. En ai englouti un doigt.
– Tu as bon goût. Très.

mardi 5 février 2019

Clorinde, ma colocataire (15)

– Il m’a téléphoné. Ce matin. Aux aurores.
– Il a pas perdu de temps, dites donc ! Et alors ?
– Et alors je lui ai dit que je pouvais pas lui parler, que j’étais surbooké. De rappeler à six heures.
– Histoire que je sois rentrée. Que je puisse écouter. Vous êtes un amour.
Elle a jeté un coup d’œil à la pendule.
– Moins cinq. Il va pas tarder.
S’est fait un nid de coussins au creux du canapé.
– N’empêche… Vous vous êtes pas rendu compte, hein, hier soir !
– Que quoi ? Que tu t’es offerte à toi-même, après, dans ta chambre ? Si ! Bien sûr que si ! Tu étais même très expansive.
– Oui. Non, mais pas ça. Avant. Quand il était là. Sous la table, je me le suis fait. Pendant qu’il me posait toutes ces questions, là.
– Ça s’est absolument pas vu.
– Oui, oh, j’ai pas poussé le bouchon trop loin non plus. Juste quelques effleurements. En mode discrétion absolue. C’était trop tentant, attendez, de voir l’effet que je lui faisais. Je peux pas résister, moi, à ça. Et puis alors me dire que c’était devant lui, comme ça, en causant, et qu’il se doutait de rien…
Mon portable a sonné.
– C’est lui ?
C’était lui.
– Maxime ? Oui. Excuse-moi pour ce matin.
– Oh, c’est pas grave !
– Ça va ?
– Ça va, oui ! Sauf que je suis crevé. J’ai pas fermé l’œil de la nuit. Me demande pas pourquoi.
– Clorinde ?
– Ben, oui, Clorinde, oui. Une fille comme ça, tu peux pas rester insensible, attends, c’est pas possible.
– Ah, elle a du charme, hein !
– Du charme ! Elle est super canon, oui, tu veux dire…
– Sans compter qu’elle a tout plein de qualités par ailleurs.
– Je me demande comment tu fais. Je me demande vraiment comment tu fais. Vivre, comme ça, avec une nana de rêve, sous le même toit, sans que… Non, mais je deviendrais fou, moi ! Complètement fou. Me dis pas que… T’as quand même bien tenté ta chance, non ?
– J’ai vingt ans de plus qu’elle. Vingt-cinq, pour être précis.
– Qu’est-ce tu t’en fous de ça, tu parles !
– Mais elle, elle s’en fout peut-être pas.
– T’as qu’à y croire ! Un type qu’a un peu de bornes, elles apprécient toujours, les filles, à cet âge-là. Il y a de l’expérience. Il y a du savoir-faire. Ça les rassure. Ça les valorise. Et ça rend les copines jalouses. Non, si t’y vas pas, je monte au créneau, moi !
– Tu fais bien comme tu veux !
– D’autant que t’as entendu. Elle l’a dit. Elle pense qu’à s’amuser en ce moment. Ah, non, j’y vais, moi ! J’y vais ! Pas question de laisser passer une occasion pareille. J’en aurais du remords toute ma vie. Je peux compter sur toi ?
– Pour ?
– Me faciliter les choses. M’inviter aussi souvent que possible. Me laisser éventuellement seul avec elle. Essayer de savoir ce qu’elle a dans le ventre. La faire parler. Lui faire dire ce qu’elle pense de moi. Enfin tout, quoi ! Tout ce qu’est possible.
Elle m’a fait signe d’accepter.
– Tu peux compter sur moi.
– Merci. Je te revaudrai ça.