mardi 26 novembre 2019

Exquises vacances (2)


En début d’après-midi, je l’ai aperçue, de l’étage, qui bronzait au bord de la piscine. Ma voisine de chambre. Oui, c’était elle. C’était bien elle. Seule.
J’ai enfilé mon maillot de bain, je suis descendue, je me suis approchée.
– Excusez-moi ! Elle est libre, cette chaise longue, là, à côté ?
Elle m’a fait signe que oui. Oui. Je m’y suis installée. Je me suis offerte voluptueusement au soleil, avec un long soupir de satisfaction.
– Qu’est-ce qu’on est bien !
– Ah, ça, vous pouvez le dire !
Un long moment de silence. Le chant des oiseaux. Celui des cigales.
– Et puis qu’est-ce qu’il est calme, cet hôtel !
Je me suis tout aussitôt reprise.
– Enfin, dans la journée ! Parce que la nuit…
Avec un petit sourire entendu.
Elle est entrée dans le jeu.
– La nuit ?
– La nuit, oui. Vous n’avez pas entendu ? Ah, il y en avait deux, ça donnait ! Et ça a été quasiment non-stop. Faut dire que j’étais aux premières loges aussi.
– Vous avez quelle chambre, si c’est pas indiscret ?
– La 112.
– Et moi, la 114.
J’ai feint la surprise.
– Ah, ben d’accord !
Et on a éclaté de rire.
– On vous a empêchée de dormir, du coup. Je suis désolée.
– Oui, oh, pour être tout à fait honnête, c’était pas si désagréable que ça.
Elle m’a jeté un petit regard complice.
– Ah, ben on pourra recommencer alors !
– Quand vous voudrez. Et tant que vous voudrez…
– C’était bien notre intention.
– Il y a pas longtemps que vous êtes ensemble, hein ?
– Dix ans.
– Dix ans !
– Oui, enfin, c’est un peu plus compliqué que ça. Disons que, parallèlement, on est mariés. Chacun de son côté. Côté cul, mon conjoint n’est pas un foudre de guerre. Quant à sa femme à lui, c’est encore pire. Il y a droit tous les tournants de lune. Alors, quand on a l’occasion de se retrouver tous les deux, Théo et moi, on s’éclate comme c’est pas possible.
– J’ai vu ça. Entendu plutôt.
– Malheureusement des occasions, on n’en a pas aussi souvent qu’on voudrait. Là, ça faisait trois ans, plus de trois ans, qu’une opportunité ne s’était pas présentée. Alors faut qu’on se rattrape. Et vous ?
– Moi ?
– Vous êtes seule ici ?
– Oui. Mon mari est un passionné d’alpinisme. Pas moi. Et donc, on passe, depuis maintenant des années, systématiquement nos vacances séparément. Ce dont je ne me plains pas. Bien au contraire. Parce que, tout comme vous, avec mon conjoint, sexuellement ce n’est vraiment pas ça. On est dans la routine. Un petit coup, vite fait, le samedi soir. Et encore, pas toujours. Je n’y trouve pas vraiment mon compte.
– J’imagine. On est, je crois, beaucoup de femmes dans ce cas-là…
– C’est bien pour ça que moi aussi, je mets les vacances à profit pour me donner du bon temps. Je n’ai pas la chance d’avoir, tout comme vous, un chevalier servant attitré. Alors je me fais ouverte aux multiples possibles qui s’offrent à moi. Tout en restant résolument sélective. À quarante ans, c’est le moment ou jamais. Et j’avoue avoir parfois eu, ici ou là, de divines surprises.
Elle a suivi des yeux quelque chose par-delà la haie. Quelqu’un. Son Théo.
Elle s’est levée.
– Il a dû avoir le temps de recharger les batteries. J’y vais. À bientôt.
Avec un grand sourire.
Et elle s’est éloignée d’un pas décidé.

mardi 19 novembre 2019

Exquises vacances (1)


Que voilà des vacances qui commencent bien ! Mes voisins de chambre, à droite, ont baisé toute la nuit. Ou quasiment. Et, bien entendu, je les ai accompagnés. À chaque fois. Avec mes doigts. Et pas seulement : j’ai toujours tout ce qu’il faut avec moi. Trois ou quatre godes, avec chacun sa spécificité, dont j’use et abuse sans le moindre complexe. Les entendre, les imaginer était très stimulant. Ils mettaient en effet, à s’envoyer en l’air, infiniment de conviction. Et elle est, elle, d’une nature très expansive. Dont elle a généreusement fait profiter tout l’hôtel.

Je les avais déjà repérés en bas, au restaurant. En longeant leur table, pour parvenir jusqu’à la mienne, j’avais aperçu la clef de leur chambre, posée près de son assiette à lui. « 114… Tiens, tiens ! Mais c’est ceux d’à côté ! » Du coup, je les avais longuement et discrètement observés. C’était d’autant plus facile qu’ils n’étaient occupés que d’eux-mêmes, indifférents à tout le reste.
Elle, elle a la trentaine. À peu près. Peut-être un peu plus. Grande, élancée, châtain clair, souriante, elle a quelque chose d’immédiatement et de résolument sensuel. Sans être pour autant vraiment provocante. Le genre de femme que beaucoup d’hommes doivent rêver de mettre dans leur lit. Dont ils imaginent qu’ils vont connaître avec elle des extases inouïes.
Quant à lui, c’est le mâle dans toute sa splendeur. La quarantaine radieuse. Beau, viril, rassurant. Avec des yeux d’un bleu profond. Tu ne peux pas faire autrement que de te sentir fondre. Et que d’avoir envie de te laisser aller dans ses bras. Ce que je n’ai pas manqué de faire, avec délectation, en les écoutant arpéger leur plaisir. C’était moi, à sa place à elle.

Ils doivent être mariés : ils ont une alliance. Ce qui est sans doute fort récent. Je suis en effet bien placée pour savoir que le désir s’émousse vite et qu’au bout de quelques mois il ne reste plus grand-chose des élans tumultueux et passionnés du début. Peut-être a-t-elle été, elle, précédemment mariée et a-t-elle très vite déchanté. Mésentente. Rancœurs. Divorce. Le scénario classique. Et le plus vraisemblable.
En ce qui le concerne, lui, je le verrais bien en célibataire longuement militant, multipliant les conquêtes, couchant à droite, couchant à gauche, sans souci, dans ce domaine tout du moins, ni de son lendemain à lui ni de leurs lendemains à elles. Jusqu’à ce qu’il finisse par tomber sous le charme de celle qui, menant sa barque avec habileté et subtilité, lui a, au bout du compte, passé la bague au doigt.

Cela étant, il ne faut pas que je focalise sur eux à outrance. Certes, les avoir comme ça à portée de main va s’avérer à l’évidence fort commode. Je vais pouvoir, si toutefois leur séjour se prolonge quelque peu, m’inviter quotidiennement sans vergogne dans leurs ébats. Peut-être même aurai-je l’occasion de sympathiser avec eux. D’une façon ou d’une autre. Écouter jouir un couple avec qui on parle, on déjeune, on se promène, on se baigne est, à mes yeux, un plaisir délicieusement raffiné. Mais ce serait une grossière erreur que de ne jurer que par eux. Il existe très certainement, dans cet hôtel, d’autres opportunités que je ne pourrai saisir que si je leur suis délibérément ouverte, que si j’ai l’attention en permanence en éveil.
Il y a, par exemple, à l’étage du dessus, un jeune couple qui a retenu toute mon attention bien qu’extrêmement discret et effacé. Parce qu’extrêmement discret et effacé justement. Ce sont souvent ceux-là, quand on gratte un peu, qui se révèlent les plus ardents et les plus libérés.
Et puis… Et puis il y a Antonin, le fils des patrons, qui m’a apporté mon petit déjeuner dans la chambre ce matin, qui était manifestement très mal à l’aise de me trouver au lit, bien que ma tenue ait été on ne peut plus décente, et que j’ai pris un malin plaisir à retenir un peu, à regarder et à passer à la question. Il a vingt ans. Il est étudiant en troisième année d’architecture et il aide ses parents pendant les vacances. Il n’a pas, pour le moment, de petite amie. Il n’en a d’ailleurs, à mon avis, jamais eue. Il est puceau, j’en suis convaincue. Puceau jusqu’au blanc des yeux. Puceau autant qu’on peut l’être. Mais c’est là une situation à laquelle il n’est pas trop difficile de remédier. À condition, bien entendu, que quelqu’un veuille bien s’en charger. Et je sens que je vais peut-être bien me dévouer. Oui, sûrement !

mardi 12 novembre 2019

Clorinde, ma colocataire (55)


Elle nous a voulu un restaurant.
– Celui où on est si souvent allés tous les deux.
Elle y a soupiré.
– C’est peut-être la dernière fois.
– Tu pars quand au juste ?
– Je sais pas trop. Peut-être en fin de semaine. Peut-être la suivante. Ou celle d’après.
Ses yeux se sont embués.
– Enfin si, je le sais quand je pars ! Évidemment que je le sais ! Mais je veux pas vous le dire. Je veux pas qu’il y ait ça entre nous. Pour le peu de temps qu’il reste. Qu’on compte les jours. Ou les heures. Tout ça pour, à la fin, se faire des adieux déchirants. Comme dans les films.
Au dessert, elle a sorti deux clefs USB de son sac, m’en a tendu une.
– Ça, c’est la copie intégrale de tout ce qu’il y a sur mon petit enregistreur, là, vous savez bien. De tous ces tas de fois où j’ai joui. C’est pour vous. Vous en ferez ce que vous voudrez. Tout ce que vous voudrez.
Elle a eu son petit sourire mutin.
– Je sais bien ce que vous allez en faire ! Mais c’est le but.
Et puis l’autre.
– Et là, sur celle-là, ce sont des photos de moi. Sous toutes les coutures. Exprès pour vous je les ai faites. Que vous m’ayez encore. Même quand je serai partie.
J’ai fouillé dans ma poche. À mon tour de lui donner quelque chose. Une enveloppe. Une enveloppe que j’ai posée à côté de son verre.
– Qu’est-ce que c’est ?
– Eh bien, regarde !
– Une clef, mais une vraie.
– Celle de ta chambre. Tu seras sûre, comme ça, que personne n’y viendra jamais en ton absence.
Elle m’a pris la main par dessus la table, l’a portée à ses lèvres, s’est levée.
– Venez ! On rentre.

Elle s’est déshabillée. Complètement. Étendue, mains sous la nuque, sur le lit.
– Vous pouvez me regarder, si vous voulez. Tant que vous voudrez. Ce que vous voudrez.
Je me suis penché sur elle, lui ai effleuré le front d’un baiser, ai plongé mes yeux dans les siens. Je les y ai laissés. Longtemps. Les couleurs en ont doucement chatoyé.
Et puis je suis lentement descendu, me suis arrêté à hauteur de ses seins en pente douce. Dont les pointes se sont orgueilleusement dressées.
– Ils sont magnifiques.
Je les ai avidement contemplés.
Plus bas. Je me suis approché de son ravissant petit réduit d’amour. Plus près. Encore plus près. Elle s’est redressée. Ses doigts se sont enfouis dans mes cheveux.
– Vous pouvez aujourd’hui, avec votre bouche, si vous voulez.
Si je voulais !
J’y ai posé mes lèvres. Je les ai fait courir tout au long de la douce encoche. Inlassablement. Dans un sens. Dans l’autre. Quelques gouttes de liqueur ont perlé. J’ai passé mes bras sous ses cuisses. Je l’ai doucement, tout doucement, ouverte. Je me suis aventuré, du bout de la langue, dans ses replis soyeux. Je les ai investis. Elle a doucement gémi. Sa main s’est posée sur ma nuque. Elle m’a pressé la tête contre elle, a exigé.
– Encore ! Encore !
Ses doigts m’ont rejoint. Ma bouche. Ses doigts. Ses doigts. Ma bouche. En un somptueux vertige. Et son plaisir a surgi. Tempétueux. Ravageur. Elle l’a proclamé. Elle l’a hurlé. Ça s’est apaisé. C’est reparti de plus belle. En longs sanglots éperdus. C’est retombé.
Je suis remonté, lui ai effleuré les lèvres.
– Et votre plaisir à vous ?
Elle me l’a donné. Avec ses doigts. On est restés les yeux dans les yeux. Jusqu’au bout.
Elle s’est endormie la première, lovée contre moi.

Au réveil, elle n’était plus là, mais il y avait un mot sur la table de la cuisine.
« J’ai horreur des adieux. Et des larmes qui vont avec. Je pars. Je m’envole tout à l’heure. Mais je vous attends là-bas. Vous avez promis.
Je vous aime.
CLORINDE »

FIN

mardi 5 novembre 2019

Clorinde, ma colocataire (54)


Des reniflements dans la nuit. De petits hoquets. Des sanglots réprimés.
Je me suis penché sur elle.
– Tu pleures ?
– Non, je pleure pas. Non.
J’ai allumé. Les larmes lui ruisselaient sur les joues, sur le menton et jusque dans le cou.
– C’est quoi, ce gros chagrin ?
– Rien, je vous dis. Rien.
Et elle a voulu se tourner de l’autre côté.
Je l’en ai empêchée, ai cherché à l’attirer vers moi. Elle a résisté. Un peu. Pas bien longtemps. Et a fini par venir se réfugier, d’elle-même, contre ma poitrine. Où elle a redoublé de sanglots.
Je lui ai doucement caressé le front, les tempes, la commissure des yeux.
– Là ! Là ! C’est tout… C’est tout…
Elle s’est peu à peu calmée, m’a souri à travers ses larmes.
– Je suis idiote. Je suis vraiment idiote.
– Si tu me disais de quoi il retourne plutôt…
– C’est pas facile…
– Essaie toujours…
– C’est à cause de vous.
– De moi ?
– Oui. Enfin non. C’est que je sais pas ce que je dois faire. Enfin, si, je le sais ! Si ! C’est une chance inouïe que j’ai là. Mais c’est pas simple quand même.
– Si tu t’efforçais d’être un peu plus claire.
– J’avais fait la demande. Sans vraiment y croire. Et je suis prise. Dans une grande école de psycho. La plus grande. À New York.
– Hein ? Mais c’est magnifique !
– Oui, dans un sens, oui. Bien sûr. Mais dans un autre, je vais plus vous voir. Ce sera fini tout ce qu’on vit là.
– On s’écrira. On se verra par Internet. On se racontera.
– Au début, oui. Et puis après vous m’oublierez. C’est toujours comme ça que ça se passe. Pour tout le monde.
– T’oublier ? Alors ça, c’est complètement impossible.
Elle a haussé les épaules.
– Bien sûr que si ! Il y a Alexandra. Il y a Morgane. Et puis il y a pas que ça. Vous avez une grande maison. Avec piscine et tout le tintouin. Alors vous pensez bien que des filles qui voudraient être à ma place, il y en a tout un tas. J’en connais. Qui auront rien de plus pressé que de venir vous assiéger. Et vous, bonne pâte comme vous êtes, vous finirez par vous laisser embobiner. Surtout qu’elles, elles auront pas de scrupules. C’est le genre à coucher pour arriver à leurs fins, alors là ! Et qu’il y en ait d’autres dans ma chambre, dans mon lit, rien que d’y penser, vous pouvez pas savoir ce que ça me fait…
– Il y en aura pas. Je te promets.
– Mais même ! Me passer de vous, plus vous voir, plus faire tout ce qu’on fait ensemble depuis des semaines, c’est trop dur.
– Ça n’aura qu’un temps.
– Trois ans. Au moins.
– C’est pas la mer à boire. D’autant que je ferai des petits sauts là-bas de temps à autre.
– C’est vrai ? Souvent ?
– Le plus souvent possible.
– C’est pas une réponse, ça !
– Alors disons… Une fois par mois. Au moins. Ça te va ?
Elle m’a sauté au cou.
– Vous êtes un amour. Mais vous le ferez, hein ? Vous le ferez vraiment.
– Tu m’as déjà vu ne pas tenir mes promesses ?
– Jamais, non. Je vais peut-être partir alors finalement, du coup !
– T’as tout intérêt ! Parce que je te flanque une fessée sinon ! Comme t’as fait au voisin, là !