mardi 30 avril 2019

Clorinde, ma colocataire (27)


– C’est pas mal finalement ici, hein ?
On avait passé la matinée à faire des courses.
– Faut bien… Si on veut y venir de temps en temps. Il manque plein de trucs. Et puis même, que ça ait l’air un minimum habité. Parce qu’ils vont vouloir venir voir, mes parents. Je sais bien que je suis majeure, que je fais ce que je veux, mais j’ai vraiment pas envie de me prendre le chou avec eux à propos de ça.
Et le début de l’après-midi à suspendre des photos à droite et à gauche. À arranger une porte qui coinçait. À nettoyer la douche.
– Ils l’ont laissée dans un état, ces cochons !
Maintenant, assise sur le radiateur, près de la fenêtre, elle dressait la liste de tout ce qu’il manquait. Et qu’il fallait absolument se procurer.
– La v’là !
– Qui ça ?
– La fille de l’autre jour. Celle qu’on avait suivie. Elle y rentre à l’hôtel. Elle y rentre encore. Bon, allez, cette fois on s’en occupe. On descend, on attend qu’elle ressorte et on la piste. Qu’on sache où elle va quand elle sort de là-dedans.

– Bon, alors, qu’est-ce qu’elle fout ?
– Elle baise.
– Ça, je sais bien. Mais faut quand même pas trois heures pour s’envoyer en l’air.
– Des fois, si ! Tout dépend de la façon dont ça se passe.
– Ah, ça y est ! Elle sort. Bon, allez, on y va. Mais pas trop près. Qu’elle se doute pas de quelque chose.
– Ni trop loin. Qu’on risque pas de la perdre.
– Et surtout que vous puissiez bien lui mater le cul. Non ? C’est pas ça ?
On l’a suivie tout au long du boulevard. Elle marchait d’un bon pas, en regardant droit devant elle. Sans jamais tourner la tête. Ni à droite ni à gauche.
– Vous savez ce que je me demande ? C’est si elle l’a gardée, la jute du mec. Si elle l’a encore dedans. C’est ce que je fais, moi, quand j’ai eu un type. J’adore ça, la sentir dégouliner. Et puis me dire que les gens, tout autour, ils savent pas. Ils se doutent pas. Tu te prends un de ces pieds.
Elle a tourné à droite, la fille.
– Faudra quand même que j’y remette le nez un de ces jours, moi, aux mecs. Parce que c’est bien beau ce qu’on fait tous les deux, c’est même super, mais je risque de perdre la main à force.
Puis à gauche.
– Où c’est qu’elle peut bien aller par là ?
Encore à gauche.
– Ce qu’on aurait dû, c’est se séparer, tiens ! Qu’il y en ait un de nous deux qui la suive et que l’autre, il s’occupe du bonhomme, sur l’autre rue. Qu’on sache comment il est fichu. Et ce qu’il fait. Non, on a pas été vraiment bons sur ce coup-là.
– Ils sont appelés à se revoir.
– Ah, ça, sûrement !
– Alors ce n’est que partie remise.

La fille s’est résolument engagée sur le parking du Super Marché. À l’intérieur duquel elle s’est engouffrée. Et où on l’a perdue. On a eu beau parcourir les allées en long, en large et en travers, elle n’était nulle part. Elle s’était évanouie.
– Non, mais alors là, c’est la meilleure !
On a refait un tour et puis Clorinde m’a attrapé par le bras.
– Regardez ! Regardez là-bas.
Revêtue de la tenue lie-de-vin du magasin, elle était en train d’ouvrir sa caisse.
– Ah, ben d’accord !
– Filez ! Filez ! Laissez-moi faire. On se retrouve là-bas…

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