mardi 7 mai 2019

Clorinde, ma colocataire (28)


Elle a jeté sur la table un filet d’oranges. Et deux avocats.
– Là… Voilà. J’ai posé un premier jalon. J’ai échangé quelques mots, vite fait, à la caisse, avec elle. J’y retournerai. Demain. Après-demain. Et tous les jours suivants. Je vais sympathiser. En mode discret. Sur la pointe des pieds.
– Et c’est quoi, le plan ?
– Qu’elle accepte qu’on se voie ailleurs. Je vais lui raconter une salade. Par exemple, que je fais un mémoire sur l’état d’esprit des employées de grande surface. Leurs projets. La façon dont elles envisagent leur avenir. Tant professionnel que personnel. Tout ça. Alors si elle voulait bien répondre à un petit questionnaire… Elle sera flattée que j’aie pensé à elle. Que je l’aie choisie. À moi alors de savoir la jouer subtil Pour l’amener à entrer en confidences. À se déboutonner. Il y aura plus qu’à aviser. En fonction de.
– Et mon rôle, à moi, dans tout ça, ce sera quoi ?
– Ce que vous pourriez, vous, c’est faire la même chose, de votre côté, avec le type. Aller l’attendre devant l’entrée principale. Entrer en contact. Vous débrouiller pour lui tirer les vers du nez. On aurait les deux versions comme ça. Les tenants et les aboutissants. S’ils se cachent dans cet hôtel, il y a forcément des raisons. D’autres personnes concernées. Qui ? Son mec à elle ? Sa femme à lui ? Les deux ? Faudra aussi chercher dans ces directions-là. À moins que ce ne soit complètement autre chose. À quoi on pense pas du tout. Oh, non, je sais pas vous, mais moi, maintenant qu’on y a mis le nez, j’ai trop envie de savoir. De connaître le fin mot de l’histoire. Et même, éventuellement, si l’occasion se présente, d’y mettre mon grain de sel.

– Et Martial ?
Elle était sous la douche.
– Hein ? Et Martial ? Il appelle plus ?
– Je sais pas. J’ai laissé mon portable dans la voiture.
– Ben, allez le chercher ! Qu’est-ce vous attendez ? Qu’on sache !
Il y avait sept appels en absence. Et quatre SMS.
– Qui disent quoi ?
– Toujours la même chose. Que tu l’excites que le diable. Que tes nibards le rendent fou. Qu’il en peut plus. Et quand est-ce que je lui montrerai d’autres photos ? Et que je l’invite ? C’est quand que je l’invite ?
Elle est sortie de la douche. En se frictionnant vigoureusement avec sa grande serviette blanche.
– Le pauvre ! Là, faut vraiment faire quelque chose. On peut pas le laisser dans cet état-là. Ce serait cruel. Allez, appelez-le !
– Pour lui dire quoi ?
– Ce qu’il a envie d’entendre. Et même davantage.
Elle est venue s’asseoir à mes côtés, flanc contre flanc.
– Et mettez le haut-parleur, hein !

– Allô… Martial ?
– Ah, ben, c’est pas trop tôt. Qu’est-ce tu foutais ?
– J’ai des photos.
– D’elle ?
– Évidemment, d’elle. De son cul.
– Oh, putain !
– Mais ça a été chaud. D’un peu plus, je me faisais gauler.
– Envoie ! T’envoies ?
Clorinde a glissé sa main entre ses cuisses.
– Je les ai pas là. Je suis pas chez moi. Mais on se voit, si tu veux.
– Quand ?
– Demain. Demain soir. Six heures. Même endroit que d’habitude.
– Ça marche.
On a raccroché.
– Vous me raconterez, hein !
– Tu sais bien que oui.
Sa main s’est activée plus vite entre ses cuisses.

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