Elle a jeté sur la table un filet d’oranges. Et deux avocats.
– Là…
Voilà. J’ai posé un premier jalon. J’ai échangé quelques
mots, vite fait, à la caisse, avec elle. J’y retournerai. Demain.
Après-demain. Et tous les jours suivants. Je vais sympathiser. En
mode discret. Sur la pointe des pieds.
– Et
c’est quoi, le plan ?
– Qu’elle
accepte qu’on se voie ailleurs. Je vais lui raconter une salade.
Par exemple, que je fais un mémoire sur l’état d’esprit des
employées de grande surface. Leurs projets. La façon dont elles
envisagent leur avenir. Tant professionnel que personnel. Tout ça.
Alors si elle voulait bien répondre à un petit questionnaire…
Elle sera flattée que j’aie pensé à elle. Que je l’aie
choisie. À moi alors de savoir la jouer subtil Pour l’amener à
entrer en confidences. À se déboutonner. Il y aura plus qu’à
aviser. En fonction de.
– Et
mon rôle, à moi, dans tout ça, ce sera quoi ?
– Ce
que vous pourriez, vous, c’est faire la même chose, de votre côté,
avec le type. Aller l’attendre devant l’entrée principale.
Entrer en contact. Vous débrouiller pour lui tirer les vers du nez.
On aurait les deux versions comme ça. Les tenants et les
aboutissants. S’ils se cachent dans cet hôtel, il y a forcément
des raisons. D’autres personnes concernées. Qui ? Son mec à
elle ? Sa femme à lui ? Les deux ? Faudra aussi
chercher dans ces directions-là. À moins que ce ne soit
complètement autre chose. À quoi on pense pas du tout. Oh, non, je
sais pas vous, mais moi, maintenant qu’on y a mis le nez, j’ai
trop envie de savoir. De connaître le fin mot de l’histoire. Et
même, éventuellement, si l’occasion se présente, d’y mettre
mon grain de sel.
– Et
Martial ?
Elle
était sous la douche.
– Hein ?
Et Martial ? Il appelle plus ?
– Je
sais pas. J’ai laissé mon portable dans la voiture.
– Ben,
allez le chercher ! Qu’est-ce vous attendez ? Qu’on
sache !
Il y
avait sept appels en absence. Et quatre SMS.
– Qui
disent quoi ?
– Toujours
la même chose. Que tu l’excites que le diable. Que tes nibards le
rendent fou. Qu’il en peut plus. Et quand est-ce que je lui
montrerai d’autres photos ? Et que je l’invite ? C’est
quand que je l’invite ?
Elle
est sortie de la douche. En se frictionnant vigoureusement avec sa
grande serviette blanche.
– Le
pauvre ! Là, faut vraiment faire quelque chose. On peut pas le
laisser dans cet état-là. Ce serait cruel. Allez, appelez-le !
– Pour
lui dire quoi ?
– Ce
qu’il a envie d’entendre. Et même davantage.
Elle
est venue s’asseoir à mes côtés, flanc contre flanc.
– Et
mettez le haut-parleur, hein !
– Allô…
Martial ?
– Ah,
ben, c’est pas trop tôt. Qu’est-ce tu foutais ?
– J’ai
des photos.
– D’elle ?
– Évidemment,
d’elle. De son cul.
– Oh,
putain !
– Mais
ça a été chaud. D’un peu plus, je me faisais gauler.
– Envoie !
T’envoies ?
Clorinde
a glissé sa main entre ses cuisses.
– Je
les ai pas là. Je suis pas chez moi. Mais on se voit, si tu veux.
– Quand ?
– Demain.
Demain soir. Six heures. Même endroit que d’habitude.
– Ça
marche.
On a
raccroché.
– Vous
me raconterez, hein !
– Tu
sais bien que oui.
Sa
main s’est activée plus vite entre ses cuisses.
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