mardi 21 mai 2019

Clorinde, ma colocataire (30)


Et on a passé les deux jours suivants, le nez quasiment rivé au carreau.
– Mais qu’est-ce qu’ils foutent ?
– Ils ont peut-être décidé de mettre un terme…
– Portez bien la poisse, vous ! Ah, ça y est ! La v’là ! Bon, alors vous avez compris ? Vous passez dans l’avenue, de l’autre côté et, dès qu’il sort, vous le prenez en chasse. En voiture si il faut. Vous êtes garé où ?
– Sur le parking devant l’entrée principale.
– Parfait ! Moi, pendant ce temps-là, je m’occuperai d’elle. Allez, feu !

Plus d’une heure j’ai attendu. Et puis mon portable a sonné.
– Elle vient de sortir. Vous allez sûrement le voir.
Il a effectivement fait son apparition.
– Putain ! Comment il est jeune !
– Combien ?
– Son âge à elle. La trentaine. À peu près.
– Donc, c’est pas le patron.
– Il monte en voiture.
– Oui, ben le perdez pas de vue ! Je vous laisse. À tout-à-l’heure !

– Alors ?
– Une dizaine de kilomètres on a fait. Il habite un petit immeuble à la périphérie. Et il est marié.
– Comment vous savez ça ?
– Parce que je suis allé me garer un peu plus loin, que je suis discrètement revenu et que j’ai jeté un œil dans le hall. Il y a huit appartements. Et forcément, huit boîtes aux lettres. Sur toutes il y a « Monsieur et Madame Untel. »
– Donc, vous avez raison : il est marié. Vous avez pas relevé les noms ?
– Si ! Et même les prénoms.
– Génial ! Ça peut servir. On sait jamais. Il est beau gosse ?
– Je suis pas très bon juge en la matière, mais j’ai l’impression que c’est le genre de type qui doit faire des ravages chez les nanas.
– Faudra que j’aille jeter un coup d’œil dessus alors ! Le prochain coup, c’est moi qui le pisterai. Et vous, vous occuperez d’Alexandra. Ce qui vous donnera l’occasion de lui reluquer une fois de plus le popotin.
– Ça a donné quoi, elle ?
– Elle est allée bosser. J’ai fait quelques courses. Je suis passée à sa caisse. J’ai échangé quelques mots avec. Et puis voilà. En tout cas, elle a pas d’alliance.
– Elle est peut-être en couple quand même.
– Possible, oui. Mais j’en suis pas restée là. Après, je suis allée boire un café en face. Il y avait deux de ses collègues caissières attablées devant un thé. Qui parlaient de médecines parallèles. D’astrologie. De magnétisme. Tout ça. L’occasion ou jamais. Je me suis mêlée à la conversation.
– Et tu les as fait parler d’Alexandra.
– Ça va pas, non ? Elles me connaissent pas. Elles se seraient méfiées. Et je me serais grillée. Toute seule. Comme une grande. Non. J’ai posé des jalons. Je me suis passionnément intéressée à toutes leurs histoires de médiums, de rebouteux et de coupeurs de feu dont je me soucie comme de l’an quarante. Comme ça il me suffira, la prochaine fois, de reprendre la conversation là où on l’avait laissée et de la faire progressivement glisser, peu à peu, vers là où je veux qu’elle aille.

De grands traits. Des petites cases. De toutes les couleurs.
– Qu’est-ce tu fabriques ?
– Un planning. Parce que c’est sûrement aux mêmes jours et aux mêmes heures qu’ils se voient. En fonction de leurs horaires respectifs. On n’aura plus à guetter des heures à la fenêtre comme ça. On saura quand il faut qu’on soit opérationnels.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire