mardi 16 avril 2019

Clorinde, ma colocataire (25)


Une gamine ! Une vraie gamine. Qui courait partout, d’une pièce à l’autre. Qui visitait les placards. Qui ouvrait les robinets.
– C’est génial ! C’est trop génial ! Je m’attendais pas à ça, moi ! Pas du tout. Et puis alors pour le prix… C’est donné, avouez !
Elle est allée se pencher à la fenêtre.
– Ça devrait pas trop circuler la nuit.
Y est restée un long moment accoudée.
– Il y en a une !
– Une quoi ?
– Une bonne femme qui sort de l’hôtel en face. Venez voir ! Celle avec la veste marron. Qui longe le magasin de sport. Vous voyez ? Quel âge elle peut avoir ? Pas loin de soixante, je suis sûre. Et peut-être même qu’elle les a. Qu’est-ce vous pariez que c’est un petit jeune qu’elle se tape ?
– Ça, t’en sais rien du tout.
– Oh, si ! Sûrement. Derrière le dos de son mari. C’est dégueulasse. Elle a pas le droit, à son âge, de nous piquer nos affaires comme ça, à nous, les filles.
– Il vous en reste bien assez. Et puis, de toute façon, pour ce que tu t’en sers, toi !
– C’est pas une raison. Elle en sait rien. Et puis je pourrais avoir envie. Et justement de celui-là.
Elle s’est appuyée contre moi.
– D’un autre côté, c’est rassurant de se dire que sa mécanique, elle est toujours en état de marche. Ça veut dire que moi aussi, j’ai encore pas mal d’années devant pour pouvoir en profiter.
Son visage s’est illuminé, d’un coup.
– Et si on restait dormir là ? Puisqu’on nous a laissé les clefs.
– Mais il y a rien. C’est vide.
– Qu’est-ce ça fout ? Au contraire. Ce sera marrant. On campera. Suffit qu’on repasse là-bas chercher votre grand matelas qui se gonfle, nos couettes, nos trousses de toilette, quelques affaires de rechange et le tour est joué. Allez, on y va !

– Vous voyez qu’elle était pas si mal, mon idée, finalement ! On n’est pas bien là ?
Couchés tous les deux, côte à côte, dans la semi-obscurité.
On était pas mal, oui. On était même très bien.
– Ça fait quand même bizarre, vous trouvez pas, quand on se trouve dans un endroit complètement nouveau comme ça ? Il y a des tas de bruits, on sait pas ce que c’est. D’où ça vient. On arrête pas de se demander.
– Tu t’y feras vite.
– Pas vraiment, non. Parce qu’il a beau être très bien cet appart, j’ai pas du tout l’intention de m’y installer. Comme je vous ai dit, c’est chez vous chez nous. Ici, je serai jamais que de passage.
Elle s’est redressée sur un coude.
– Ce qui m’empêchera pas de m’approprier quand même l’environnement. D’essayer de savoir qui il y a autour. À côté. Au-dessus. En-dessous. D’en profiter, s’il y a moyen. Et il y aura. Parce que j’ai déjà repéré une fille tout-à-l’heure, quand je suis descendue chercher les pizzas. La trentaine. On s’est souri. C’est le genre de nana chaude comme une baraque à frites. Ça se sent tout de suite, ça ! Comment ils doivent défiler les mecs, chez elle, j’vous dis même pas ! Et comme c’est juste à droite, là, derrière la cloison, suffira de tendre un peu l’oreille. Et il y aura sûrement pas qu’elle. Parce qu’il y en a du monde, apparemment, dans cet immeuble. Sans compter en face. Parce qu’avec l’hôtel ! Toutes ces fenêtres… Surtout que les gens, quand ils sont pas chez eux, ils font beaucoup moins attention. Non, je sens qu’on va bien se plaire. Bon, mais c’est pas tout ça… C’est bien beau de parler, mais…
– Mais ?
– Faudrait peut-être qu’on l’inaugure cete chambre, non ? C’est la première fois qu’on y dort.
– C’est-à-dire ?
– Comme si vous le saviez pas ! On le fait ensemble ? En se regardant ?
Et elle a allumé.

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