mardi 23 avril 2019

Clorinde, ma colocataire (26)


– Ah, enfin ! C’est pas trop tôt. J’ai cru que vous alliez jamais vous réveiller.
– J’avais besoin de récupérer.
– Ah ben ça, j’imagine… Comment vous en étiez de la comédie hier soir !
– Tu peux parler, toi !
– C’était de vous voir complètement déchaîné. Et de me dire que c’était à cause de moi. Parce que vous étiez en train de me regarder me le faire. N’empêche que deux fois vous avez giclé. Et que les deux fois vous avez crié.
Elle s’est redressée dans le lit.
– Je vais vous dire un secret. Mais vous allez pas vous fâcher ? Promis ?
– Promis.
Elle a extirpé un petit enregistreur de dessous son oreiller, l’a mis en marche. À plein volume. Des gémissements de plaisir ont envahi la pièce.
– C’est qui ?
– Ben, c’est moi, tiens ! Vous me reconnaissez pas ?
Si ! Effectivement, si ! C’était elle. Maintenant qu’elle le disait.
– Vous, ça va venir. Juste après. Là… Là… Écoutez ! Vous entendez ?
– À côté aussi ils doivent entendre.
– Et croire qu’on remet ça.
– Ils sont persuadés qu’on couche, je suis sûr.
– Ah, ben ça, forcément ! Mettez-vous à leur place ! En attendant, en douce que je vais me taper une de ces réputations, moi, ici ! À peine arrivée, dès le premier soir, je fais trembler les murs. Elles vont me tirer une de ces tronches les femmes de l’immeuble. Et ramasser leurs bonshommes. Des fois que je leur saute à la braguette.
Elle a arrêté.
– Là, c'est tout. Mais c’est pas à cause d’eux. Eux, j’en ai rien à foutre. Seulement, si je le laisse, ça va nous redonner envie.
– Ce serait pas un drame.
– Non, évidemment. Mais on peut pas non plus passer toutes nos journées à ça. Oh, mais on y reviendra. Surtout que j’en ai plein d’autres. Trente-deux exactement.
– Trente-deux !
– Ben, oui ! Chaque fois que je me caresse maintenant, je m’enregistre. Chaque fois que c’est possible, du moins. Et j’ai un petit carnet sur lequel je note tout. Le jour où ça s’est passé. L’heure. À quel endroit c’était. S’il y avait quelque part autour des gens qui pouvaient entendre. Ce qui m’a donné envie. De quels fantasmes je me suis servie. À quel moment je l’ai eu mon plaisir. En pensant à quoi. Tout, je note. Tout. Même ce qui, sur le moment, semble sans importance, mais qui peut en avoir après, plus tard, on sait jamais.
– Eh ben dis donc !
– Je me réécoute, du coup, des fois…
– Et ça te redonne envie.
– Ah, ben ça! Et vous savez ce que j’aimerais ?
– C’est qu’on les écoute ensemble.
– Voilà, oui.
– C’est quand tu veux.
– Et puis ce qu’on pourrait aussi, c’est… ce Martial, là…
– Toi, je te vois venir…
– Mais juste une… En lui faisant croire que c’est vous qui m’avez enregistrée en douce et que je suis avec un mec.
– Tu vas le rendre fou.
– Tant pis pour lui. Ou tant mieux.
Elle s’est levée, est allée tirer les rideaux.
– Non, mais vous avez vu ce soleil ? Allez, debout, grand feignant ! Qu’on descende déjeuner dans un café quelque part. Je crève de faim. Pas vous ?

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