Mardi 19 janvier 2084
Elle
ne s’est pas fait prier Hédelice.
– Bien
sûr qu’on peut se revoir… Bien sûr… Si ça peut t’aider…
– Je
voudrais pas abuser… Te faire perdre ton temps…
– Oh,
non… Non… Pour moi aussi, c’est important tout ça…
Différemment, mais c’est important… J’ai besoin d’en parler…
Et il y a qu’avec toi que je peux…
– Bon,
ben à la fac alors ? Comme l’autre jour ? Dans une
heure ?
Il y
avait quelque chose qu’il fallait qu’elle me dise…
– Et
maintenant… Au début… Avant qu’on se connaisse trop… Parce
qu’après je pourrai plus…
Ah,
oui ? C’était quoi ?
– C’est
que… Hou la la… C’est pas facile… C’est que… le journal
de ta grand-mère longtemps il m’a révulsée… Je supportais pas…
Je supportais pas la façon dont elle traitait la mienne de
grand-mère… Dont elle en faisait tout ce qu’elle voulait… Ça
me mettait dans de ces états ! Il y avait des passages – celui
de la toute première fois surtout… quand elle l’a giflée dans
les toilettes – qui étaient absolument insoutenables pour
moi… Et pourtant j’y revenais… J’y revenais obstinément…
Je pouvais pas m’empêcher… J’y revenais et je la haïssais…
Comment je l’ai haïe Roxane… Ma grand-mère aussi… Presque
autant… Non, mais comment est-ce qu’elle avait pu se prêter à
ça ? Descendre aussi bas ? Et puis… ça s’est fait
progressivement… Je sais pas trop comment au juste… Mais mon
regard sur elles a changé… Sur Zaza surtout… Un peu comme si je
m’étais mise à ressentir de l’intérieur ce qu’elle
éprouvait, elle… Et c’était… je sais pas comment dire… Mais
cet abandon total à la volonté d’une autre c’était une
expérience unique… Invraisemblablement émouvante… Et,
finalement, profondément apaisante… Alors, peu à peu, à force de
lectures et de relectures, je me suis fondue en elle… Je suis, pour
ainsi dire, devenue Zaza… J’ai séjourné des nuits entières
entre les pages du Journal… Les scènes où elles sont toutes les
deux je les ai vécues et revécues des dizaines et des dizaines de
fois… Avec de plus en plus de jubilation… Et de plaisir… Voilà…
Tu sais tout… Et je suis soulagée… Soulagée à un point !
Même si j’ai une trouille bleue… Que tu veuilles plus me voir…
Plus me parler… Que tu préfères qu’on s’en tienne là… Mais
tant pis… Il fallait… Je pouvais pas le garder pour moi tout ça…
Le laisser entre nous… Ça aurait tout faussé…
Je
me suis levée.
– Viens !
Elle
m’a jeté un regard interloqué Mais elle m’a suivie. Sans un
mot. Je l’ai entraînée jusqu’aux sanitaires…
– Entre !
C’est ici que ça s’est passé elles deux la première fois,
hein ?
– C’est
ici, oui…
– Mets-toi
à genoux…
– Tu
comprends tout… Tu comprends vraiment tout…
Deux
filles sont entrées. Elle n’en a tenu aucun compte. Elle s’est
lentement agenouillée à mes pieds. Sans me quitter un seul instant
des yeux. J’ai fait interminablement durer. Et je les ai lancées.
D’un seul coup. À toute volée. Deux gifles retentissantes. Elle
m’a gratifiée d’un large sourire.
– Merci…
Oh, merci…
Je
l’ai fait relever. Prise contre moi. Elle a blotti sa tête contre
mon épaule. A murmuré à mon oreille…
– Je
suis heureuse… Elles revivent… Elles vont revivre… De la
meilleure des façons… Grâce à toi… Grâce à moi…
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