Avant de passer à table, Émilie
est venue me rejoindre dans le petit jardin en contrebas.
‒ Qu’on
discute un peu ! On a bien le temps.
On
avait le temps, oui. Tout notre temps.
J’ai
souri.
‒ Alors ?
Cette journée en amoureux ?
‒ Super !
Un moment hors du temps. On vivrait ensemble au quotidien, ce ne
serait sans doute pas la même chose. Mais là, une petite semaine
par ci, une petite semaine par là, de temps à autre, t’en
profites à fond.
‒ Ne
pas vivre ensemble. La solution de sagesse…
‒ En
douce que toi, les oreilles ont dû te siffler.
‒ Parce
que ?
‒ Parce
que maintenant qu’il sait que tu te fais du bien en nous écoutant,
il m’assaille de questions à ton sujet. Si tu te le fais souvent ?
Comment ? Sur quoi tu fantasmes ? Et tutti quanti. J’ai
beau lui dire et lui répéter, sur tous les tons, qu’on n’en a
pas vraiment parlé et qu’on a bien d’autres sujets de
conversation, il y a rien à faire.
‒ Il
va être ravi de son cadeau d’anniversaire alors !
‒ Tu
parles ! J’imagine déjà sa tête quand il va te voir
débouler à poil dans la chambre et te mettre tranquillement à te
caresser en nous regardant.
‒ Tu
lui as pas vendu la mèche au moins ?
‒ Oh,
ben non ! Non ! Qu’il ait la surprise !
Elle
a esquissé un petit sourire qui s’est progressivement épanoui.
‒ Qu’est-ce
qu’il y a ? Qu’est-ce qui t’amuse ?
‒ C’est
que c’est bien un mec.
Parce que pour
lui, si tu te masturbes,
c’est que t’es en
manque.
J’ai
ri. Franchement.
‒ Pas
vraiment, non. Certes, avec mon mari, c’est pas ça qu’est ça.
Mais bon ! Il y a tout un tas de charmants jeunes gens, ou moins
jeunes, qui ne demandent qu’à rendre service. Toute seule, c’est
autre chose. On se fait l’amour à soi-même. À
son rythme. Avec ses fantasmes. Ses images. Son histoire.
‒ Je
suis bien de ton avis. Mais c’est le genre de choses qu’il ne me
viendrait pas à l’idée d’aller tenter
de lui expliquer. Parce
qu’il est très gentil, Théo. Il a plein de qualités. Mais il a
aussi plein de certitudes. Et quand il a une idée en tête, pour
l’en faire démordre…
‒ Comme
beaucoup.
‒ S’il
savait !
‒ S’il
savait quoi ?
‒ Que
même là… Et pourtant
avec lui je
prends mon pied. Et pas qu’un peu ! Eh ben, même là, j’en
profite qu’il ait le
dos tourné. J’en ai besoin de
ça. J’en ai toujours
eu besoin.
‒ Ça
doit pas être facile. Vous êtes fourrés toute la journée
ensemble.
‒ On
trouve toujours des solutions quand on veut. Surtout qu’il a ses
petites habitudes. Le matin, il descend systématiquement chercher
son journal. Le temps qu’il flâne un peu. Qu’il aille boire un
café. Ça me laisse une bonne demi-heure. Je la mets à profit pour
paresser voluptueusement entre les draps et me laisser aller à mes
rêveries. Alors pas
toujours, mais souvent…
‒ Eh,
mais c’est que je vais tendre l’oreille d’une façon
complètement différente, moi, maintenant le matin !
‒ Oh,
et puis il y a pas que ça ! Il y a aussi… Tu vas me trouver
tordue !
‒ Mais
non, dis !
‒ Il
y aussi, quelquefois, sous la douche. Avec l’eau. Et lui, allongé
sur le lit, dans la chambre. Plongé
dans la lecture de son journal. Faut
que je fasse attention. À pas gémir. À pas haleter trop fort.
Qu’il se rende pas compte. Parce que comment il serait vexé !
Mais c’est justement ça qu’est excitant. De me dire qu’à tout
moment ça pourrait me déborder. Que
je maîtriserais plus rien. Ou
qu’il pourrait surgir. Sous un prétexte quelconque.
‒ Tiens,
ben le v’là justement !
Il
s’est approché, s’est penché sur elle, lui a déposé un baiser
sur la nuque.
‒ Alors,
mesdames ! On complote ?