– J’ai
téléphoné à Martial.
Elle
est restée la fourchette en l’air.
– Ah !
– Un
bon moment on a passé ensemble au téléphone.
– Et
alors ?
– Il
m’a posé des tas de questions sur toi. Comme ça, mine de rien,
sans avoir l’air d’y toucher.
– Quel
genre de questions ?
– Qui
tu étais. D’où je te connaissais. Qu’est-ce tu fabriquais chez
moi. Et s’il y avait quelque chose entre nous. Ça le préoccupe
beaucoup, ça, apparemment.
– Et
vous avez répondu quoi ?
– Que
tu es étudiante, que je t’héberge momentanément pour rendre
service à tes parents et qu’il n’y a rien entre nous.
Strictement rien. Point barre.
– Il
vous a pas cru, j’parie !
– Il
a eu du mal. Il a pas lâché le morceau comme ça. Il y avait
peut-être pas, mais il y aurait, non ? Une jolie petite caille
comme toi, j’allais quand même pas laisser passer une occasion
pareille ! Si?Ah, mais il voyait… T’avais un mec. Auquel
t’étais sacrément accro. C’était ça, hein ? Il m’a
seulement pas laissé le temps de répondre. Ben oui, forcément que
c’était ça. Et sûr que, du coup, j’avais effectivement tout
intérêt à faire profil bas. Parce qu’une nana, quand elle était
toquée d’un mec, c’était peine perdue. Valait mieux attendre
patiemment son heure. Je t’avais vue à poil au moins ? Non ?
Même pas ? Oh, putain ! Lui, il y aurait une nana canon
comme toi qui serait venue habiter chez lui, mais il aurait rien eu
de plus pressé, dès le début, que de se débrouiller pour voir
comment elle était fichue, si elle se rasait le minou, tout ça…
– Ben,
tiens !
– Ah,
pour lui taper dans l’œil, tu lui as tapé dans l’œil, ça, on
peut pas dire.
– Vous
l’avez invité ?
– Samedi
prochain. Il est absolument ravi.
Elle
a fait la moue.
– Mouais…
– Non ?
Ça te va pas ? Si t’as peur qu’il te drague plein pot, je
peux te rassurer tout de suite. Je le connais depuis le temps.
Martial, c’est le type qui parle beaucoup, qui fantasme beaucoup,
qui, à l’entendre, a couché avec tout le pays. En réalité, avec
les femmes, il est plutôt du genre réservé. Il va te bouffer des
yeux, ça, c’est sûr. Bouillonner à l’intérieur. Sûrement
bander comme un furieux, mais il aura pas un mot déplacé, pas un
geste inconvenant. Pas même un regard trop appuyé. Rien. Il te
foutra la paix.
– Je
l’ai pas vu très longtemps, mais c’est bien l’impression que
j’ai tout de suite eue, oui. C’est pour ça: je trouve que c’est
un peu prématuré samedi. Pourquoi si vite ? Il faut lui
laisser le temps de la rêver cette rencontre, de l’idéaliser, de
ne plus penser qu’à ça. Il ne l’en appréciera que davantage.
Et à moi, il faut me laisser le temps de penser à lui en train d’y
penser. Je vais adorer.
– Je
vois. Bon, ben je vais le rappeler alors. Et reporter à une date
ultérieure.
– Ce
serait bien, oui.
– Et,
au final, tout le monde va y trouver son compte.
– Même
vous ?
– Même
moi, oui ! Te voir savourer, à discrètes petites lampées
gourmandes, l'intense satisfaction que tu vas éprouver à sentir son désir se
poser sur toi, s’y installer, y séjourner, ça va être, pour moi,
un véritable enchantement.
– Oh,
vous, faudra que je vous emmène avec moi dans mes expéditions,
quand j’erre par les rues, pendant des heures, que j’y croise, par
dizaines, des regards qui s’enchantent de moi quelques fractions de
seconde et qui m’emportent avec eux comme un trésor. Qui me
ramènent secrètement chez eux. Avec eux.
– Et dont tu vas partager, de longues semaines durant, tous les plaisirs.
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