mardi 25 décembre 2018

Clorinde, ma colocataire (9)


– J’ai téléphoné à Martial.
Elle est restée la fourchette en l’air.
– Ah !
– Un bon moment on a passé ensemble au téléphone.
– Et alors ?
– Il m’a posé des tas de questions sur toi. Comme ça, mine de rien, sans avoir l’air d’y toucher.
– Quel genre de questions ?
– Qui tu étais. D’où je te connaissais. Qu’est-ce tu fabriquais chez moi. Et s’il y avait quelque chose entre nous. Ça le préoccupe beaucoup, ça, apparemment.
– Et vous avez répondu quoi ?
– Que tu es étudiante, que je t’héberge momentanément pour rendre service à tes parents et qu’il n’y a rien entre nous. Strictement rien. Point barre.
– Il vous a pas cru, j’parie !
– Il a eu du mal. Il a pas lâché le morceau comme ça. Il y avait peut-être pas, mais il y aurait, non ? Une jolie petite caille comme toi, j’allais quand même pas laisser passer une occasion pareille ! Si?Ah, mais il voyait… T’avais un mec. Auquel t’étais sacrément accro. C’était ça, hein ? Il m’a seulement pas laissé le temps de répondre. Ben oui, forcément que c’était ça. Et sûr que, du coup, j’avais effectivement tout intérêt à faire profil bas. Parce qu’une nana, quand elle était toquée d’un mec, c’était peine perdue. Valait mieux attendre patiemment son heure. Je t’avais vue à poil au moins ? Non ? Même pas ? Oh, putain ! Lui, il y aurait une nana canon comme toi qui serait venue habiter chez lui, mais il aurait rien eu de plus pressé, dès le début, que de se débrouiller pour voir comment elle était fichue, si elle se rasait le minou, tout ça…
– Ben, tiens !
– Ah, pour lui taper dans l’œil, tu lui as tapé dans l’œil, ça, on peut pas dire.
– Vous l’avez invité ?
– Samedi prochain. Il est absolument ravi.
Elle a fait la moue.
– Mouais…
– Non ? Ça te va pas ? Si t’as peur qu’il te drague plein pot, je peux te rassurer tout de suite. Je le connais depuis le temps. Martial, c’est le type qui parle beaucoup, qui fantasme beaucoup, qui, à l’entendre, a couché avec tout le pays. En réalité, avec les femmes, il est plutôt du genre réservé. Il va te bouffer des yeux, ça, c’est sûr. Bouillonner à l’intérieur. Sûrement bander comme un furieux, mais il aura pas un mot déplacé, pas un geste inconvenant. Pas même un regard trop appuyé. Rien. Il te foutra la paix.
– Je l’ai pas vu très longtemps, mais c’est bien l’impression que j’ai tout de suite eue, oui. C’est pour ça: je trouve que c’est un peu prématuré samedi. Pourquoi si vite ? Il faut lui laisser le temps de la rêver cette rencontre, de l’idéaliser, de ne plus penser qu’à ça. Il ne l’en appréciera que davantage. Et à moi, il faut me laisser le temps de penser à lui en train d’y penser. Je vais adorer.
– Je vois. Bon, ben je vais le rappeler alors. Et reporter à une date ultérieure.
– Ce serait bien, oui.
– Et, au final, tout le monde va y trouver son compte.
– Même vous ?
– Même moi, oui ! Te voir savourer, à discrètes petites lampées gourmandes, l'intense satisfaction que tu vas éprouver à sentir son désir se poser sur toi, s’y installer, y séjourner, ça va être, pour moi, un véritable enchantement.
– Oh, vous, faudra que je vous emmène avec moi dans mes expéditions, quand j’erre par les rues, pendant des heures, que j’y croise, par dizaines, des regards qui s’enchantent de moi quelques fractions de seconde et qui m’emportent avec eux comme un trésor. Qui me ramènent secrètement chez eux. Avec eux.
– Et dont tu vas partager, de longues semaines durant, tous les plaisirs.

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