– Ça
va comme ça ?
Elle
sortait.
– T’es
ravissante.
– Ça
fait pas trop la fille qui part en chasse ?
– Pas
du tout, non. T’es plutôt en mode subtilement coquette. Et c’est
quoi l’objectif ? Le belge ?
– Oh,
non ! Non. Il y sera pas, lui, n’importe comment à cette
soirée. Et puis même… Je suis pas sûre d’en avoir vraiment
envie. Il y a des trucs qui me gonflent chez lui. Non, là, ce soir,
l’artiste travaille sans filet. Je connais personne. Alors tout est
possible. Ou rien. J’aime bien m’aventurer en terre inconnue
comme ça. Sans avoir la moindre idée de ce qui va se passer. Bon,
ben à demain alors. J’y vais..
Et
elle m’a envoyé un baiser. Du bout des doigts.
Elle
est rentrée sur le coup de trois heures du matin. En compagnie de
quelqu’un. Ils ont monté l’escalier à pas de loup. Dans la
chambre, il y a d’abord eu des mots murmurés bas. Un rire étouffé.
Le sommier a grincé. De plus en plus vite. Ça s’est arrêté.
Leurs voix. La porte. Elle l’a raccompagné jusqu’en bas.
– Alors ?
Elle
a fini de beurrer sa tartine.
– Ben
alors, rien du tout… Le coup foireux, mais vraiment foireux. Pire,
il y a pas. Le mec, il te grimpe. Il fait sa petite affaire et il se
casse. De toi il a strictement rien à foutre.
– Charmant…
– C’est
un peu de ma faute aussi… J’aurais dû m’en douter. Il y avait
des signes. Qui ne trompent pas quand on a l’habitude. J’ai pas
voulu les voir. J’étais obnubilée.
– Par
quoi ?
– Par
sa queue, tiens ! Qu’était dressée toute droite contre ma
cuisse quand on dansait. Et ça, moi, dans ce cas-là, j’ai
l’imagination qui part au triple galop. J’essaie de deviner
comment elle est faite. Je m’en construis un portrait-robot. Et au
bout d’un moment, forcément, je crève d’envie de le comparer à
l’original. Et, pour ça, il y a pas trente-six mille solutions.
Sauf que là, ça a complètement foiré. J’ai même pas pu
vraiment la lui voir vraiment en plus. Comme j’aime bien. En
prenant tout mon temps. En la détaillant sous toutes les coutures.
Bon, mais ça arrive. Il y a pas de quoi en faire toute une maladie
non plus. Ce sont les aléas. La prochaine fois, ça se passera
mieux. Ou pas. De toute façon, quand veux vraiment prendre mon pied,
j’ai la solution toute trouvée. Jérémie. Avec lui je suis sûre
de grimper aux rideaux. À chaque fois. Il me connaît bien, il sait
comment je fonctionne et il prend tout son temps. C’est des
après-midis entières qu’on y passe des fois. J’en sors
complètement épuisée, mais comblée. Il est plein de qualités en
plus. Il est drôle. Il sait plein de trucs. Il se prend pas la tête.
C’est un amour, Jérémie ! Faudra que je vous le fasse
connaître un jour, tiens !
– Ce
que je comprends pas, c’est pourquoi, si vous vous entendez si
bien…
– On
se met pas ensemble ? Je sais, oui, tout le monde nous le dit
qu’on est faits l’un pour l’autre. Mais non. Non. Je suis pas
idiote. Et lui non plus. Du jour où on serait vingt-quatre heures
sur vingt-quatre l’un sur l’autre, ça partirait en vrille. Il a
son caractère et moi, j’ai le mien. Ça durerait un an, peut-être
deux, et ça ferait comme les autres. Exactement pareil. Faut pas se
raconter d’histoires. Parce qu’on en a des dizaines et des
dizaines des copains qui se sont mis en couple. Que, soi-disant, eux,
ce serait différent. Qu’ils se laisseraient leur liberté. Qu’ils
se rogneraient pas les ailes. Que ce serait le bonheur au quotidien.
Seulement à l’arrivée… Non, non. On reste comme ça…
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