mardi 6 novembre 2018

Clorinde, ma colocataire (2)


– Comment elle est bonne ! Un vrai délice !
Elle n’avait pas perdu de temps. Elle était déjà à l’eau.
Toute nue.
– On en profite vachement mieux comme ça, vous trouvez pas ?
J’en étais moi aussi intimement convaincu.
– Ah, vous voyez ! Eh ben allez, alors ! Virez-moi toutes vos frusques et venez me rejoindre. Qu’on fasse la course. Vous tenez pas trois longueurs de piscine, je suis sûre…
– Oui, ben c’est ça, ce qu’on va voir.
– C’est tout vu.

On s’est affalés, hors d’haleine, sur deux matelas pneumatiques, côte à côte.
– Comment je vous ai pelé, n’empêche !
– Forcément, t’as triché.
– Wouah ! Cette mauvaise foi ! Je vous parle plus puisque c’est comme ça.
Et elle a fermé les yeux. Elle s’est voluptueusement offerte aux caresses du soleil auquel elle a abandonné ses seins en pente douce, aux larges aréoles claires, aux pointes légèrement dressées. Son ventre au galbe parfait. Ses cuisses resserrées qui ne laissaient à découvert que l’extrémité supérieure, totalement glabre, de son encoche d’amour.
Elle s’est retournée. De l’autre côté. La nuque. La longue descente du dos. Les deux petites fesses si gentiment rebondies.
À nouveau pile. À nouveau face. Longtemps.

Elle a fini par se redresser, par se tourner vers moi, appuyée sur un coude.
– Pourquoi vous restez toujours sur le ventre ? Vous voulez vous bronzer que le dos ?
J’ai haussé les épaules.
– C’est comme ça. Je sais pas.
– Oui, ben moi, je sais ! C’est que vous bandez comme un âne que je sois là, comme ça, à côté de vous et que vous voulez pas que je m’en aperçoive. C’est pas vrai peut-être ? Ah, vous voyez ! Vous répondez pas. Ça veut tout dire. Oh, mais c’est normal, pour un mec, de bander, hein ! C’est le contraire qui l’est pas.
Elle a chassé, d’une pichenette, un insecte venu se poser sur son sein.
– En même temps, je vous comprends de réagir comme ça. Parce qu’il y en a plein des filles de mon âge qui supportent pas l’idée de faire de l’effet à un homme du vôtre. Vu qu’elles n’éprouvent pas d’attirance pour lui, elles voudraient qu’il en ait pas non plus pour elles. Ben oui, mais c’est pas comme ça que ça se passe ! Une fille, à vingt ans, elle est au top du top. Elle brille de tous ses feux. Qu’elle le veuille ou non, elle attise le désir. Il a beau avoir quarante ans le type, ou cinquante ou soixante, elle l’émeut. Elle lui chavire la tête et les sens. C’est comme ça. Faut faire avec. Moi, ça me dérange pas. Pas du tout. Même qu’on soit nettement plus âgé que moi. Du moment qu’on reste dans les clous. Qu’on essaie pas de passer à l’acte. Parce que coucher alors là, non, non et non. Pas question ! C’est réservé aux jeunes comme moi, ça. Et c’est pas négociable. Par contre, qu’on flashe sur moi, quel que soit l’âge, j’y vois pas vraiment d’inconvénient. C’est même plutôt gratifiant. Carrément flatteur, oui. D’ailleurs, c’est pas pour me vanter, mais…
– Mais ?
– C’est quand même plutôt souvent que ça m’arrive. Et des types bien de leur personne, hein ! Des messieurs. Ce qu’est trop, c’est quand ils essaient de le cacher et qu’ils y arrivent pas. Que c’est plus fort qu’eux. Qu’ils arrêtent pas de te jeter des coups d’œil par en dessous. Tu te régales à les voir faire. Deux, il y en a eu hier. Un dans le bus. Cinquante ans. Quelque chose comme ça. Juste en face de moi il était assis. Et un autre à la poste, pendant que j’attendais mon tour. Dans la file d’à côté, il faisait la queue. Et aujourd’hui, il y a eu vous.
Elle s’est levée.
– Tout de suite, dès que vous m’avez vue, dès que j’ai passé la porte, je vous ai tapé dans l’œil. Je me trompe ?
Et elle s’est jetée à l’eau.
Elle se trompait pas, non.

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