Elle
a émergé à onze heures. Au radar. Et vêtue, en tout et pour tout,
d’une toute petite culotte blanche qui mettait généreusement en
relief – et en valeur – ce qu’elle était supposée
dissimuler.
– Tu
veux du café ?
– Ce
serait sympa, oui. Que j’y voie plus clair !
Elle
a soupiré.
– Cinq
messages il m’a laissés depuis ce matin, aux aurores. Cinq.
– Maxime ?
– Ben,
oui ! Et tout ça pour me dire qu’il faut que je prospecte au
plus vite. Qu’il est pas question que je reste ici à vous ennuyer.
– Mais
tu m’ennuies pas.
– J’ai
vraiment pas l’impression, non.
Son
téléphone a sonné.
– Qu’est-ce
vous pariez que c’est lui ? Ah, non, tiens, c’est ma mère,
ce coup-ci… Allô, oui… Oui… Mais tu me l’as déjà dit dix
mille fois, ça, enfin, maman ! Mais non ! Non ! Mais
oui, j’te promets, oui ! C’est ça ! Moi aussi…
Elle
a raccroché.
– Qu’est-ce
qu’elle peut être lourde quand elle s’y met ! Toujours le
même refrain : « Ne parle pas à tort et à travers,
Clorinde ! Ne dis pas n’importe quoi ! Un jour ou
l’autre, ça te retombera sur le coin de la figure. » En
gros, elle a peur que je vous vexe. Mais ça, moi, je suis pas
d’accord. Faut le dire ce qu’on pense. Ou ce qu’on ressent. Et
tant pis si l’autre, en face, ça lui plaît pas. Ou s’il le
prend de travers. Il y a rien de pire que de tout garder pour soi.
Non ? Vous croyez pas, vous ?
– Fais
comme tu le sens !
– Et
son autre grand dada, c’est de me répéter, sur tous les tons,
qu’il faut que je sois un minimum décente. Elle me bassine avec
ça. « T’es pas à la maison, Clorinde ! Tu te balades
pas à poil chez ce monsieur ! Ça se fait pas ! »
Mais moi, ce qui se fait ou ce qui se fait pas, les conventions, tout
ça, j’en ai strictement rien à battre. Et c’est depuis toute
petite que j’ai l’habitude d’être à mon aise, alors c’est
sûrement pas aujourd’hui que je vais changer. Qu’elle y compte
pas ! D’autant que, de toute façon, ça regarde que nous,
vous et moi, ce qui se passe ici. Et je me balade comme j’ai envie.
– Ce
qui ne me gêne absolument pas.
– Tu
parles que ça vous gêne pas ! Vous vous régalez, oui !
Ça saute aux yeux.<Si bien que, finalement, tout le monde est
content. Sauf elle ! Mais elle le saura pas.
Elle
s’est étirée.
– Je
pourrais pas ravoir un café ? Non, attendez ! Bougez pas !
Je vais y aller. Je vais me servir.
Elle
a chaloupé jusqu’au plan de travail. Je n’ai pas quitté ses
fesses des yeux ni, au retour, la douce échancrure voilée dont je
me suis désespérément efforcé de percer le secret, du regard,
sous le fin tissu blanc.
Elle
s’est rassise.
– J’appréhende…
Vous pouvez pas savoir comme j’appréhende…
– Quoi
donc ?
– D’en
trouver un d’appart. Parce que je vais l’avoir sans arrêt par
les pieds. À vouloir l’aménager comme elle l’entend, elle !
Ça va être prise de tête permanente. Parce que, dans son esprit,
ses goûts à elle ont valeur universelle. Elle ne conçoit pas une
seule seconde qu’on puisse en avoir d’autres. Et comme j’ai pas
du tout envie que, chez moi, ce soit l’exacte réplique de chez
elle, on va s’engueuler vingt fois par jour.
– Eh
bien, gagne du temps ! Fais semblant de mettre toute ton énergie
à chercher. Et ne trouve pas ! Moi, de mon côté, je
rassurerai Maxime. Mais oui, tout se passe bien ! Mais non, tu
ne me gênes pas. Pas le moins du monde. Au contraire ! Ça me
fait une présence. Ça met un peu d’animation et de jeunesse dans
la maison. Et tutti quanti… Petit à petit ça va devenir une
situation de fait. À laquelle ils vont s’habituer. Ils n’en
parleront presque plus. De moins en moins. Dans trois mois, Ils n’en
parleront plus du tout. Et le tour sera joué.
– Vous
savez que vous êtes plein de ressources, vous, quand vous voulez ?
Bon, mais en attendant faudrait peut-être bien que je fasse un saut
à la fac, moi ! Louper la rentrée, ça ferait quand même
désordre…
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