mardi 20 novembre 2018

Clorinde, ma colocataire (4)


– Déjà ! Eh ben, dis donc, c’était un petit saut.
– Oui, oh ! Ça va être aussi plan plan que l’an dernier. Et, à moins que, parmi les nouveaux, il y ait deux ou trois mecs consommables, je vais encore m’emmerder comme un rat mort, moi, c’est couru d’avance. Bon, mais passons aux choses sérieuses. Vous avez vu ce temps ? Piscine, non ? Ça s’impose. D’autant que je vous dois une revanche, même si le résultat fait pas le moindre doute. Vous allez encore vous traîner lamentablement loin derrière.
– Non, mais écoutez-moi cette petite prétentieuse ! Tu vas voir ce que tu vas voir…

– Et là, pas calmée ?
On venait de se laisser tomber, comme la veille, sur les matelas.
– Forcément ! Je vous ai laissé gagner. Faut bien que je vous caresse un peu dans le sens du poil si je veux pouvoir rester ici.
– Non, mais alors là ! Alors là ! Quelle petite saloperie tu fais !
Elle m’a tiré la langue.
– En douce que vous avez quand même fait de sacrés progrès depuis hier. Et pas seulement dans l’eau.
J’ai levé sur elle un regard interrogateur.
– Ben, oui ! Vous vous êtes décoincé. Vous bandez un peu, pas mal même, mais au moins, cette fois-ci, vous vous planquez pas honteusement, sur le ventre, pour le faire.
Et son regard s’est tranquillement installé sur moi en bas. S’y est longuement attardé.
Elle a constaté, avec un petit sourire amusé.
– Vous êtes souvent comme ça, n’empêche, vous, les mecs ! Suffit qu’on vous pose les yeux dessus pour qu’elle se mette à grimper. Et alors si, en plus, on vous cause d’elle !
Elle s’est absorbée dans sa contemplation.
– J’aime trop voir ça, moi ! Ça monte. Ça redescend. Ça repart. Ça fait tout un tas de soubresauts. On sait jamais jamais si elles sont à fond ou si elles ont encore de la marge. N’empêche, il y en a pas deux pareilles, si on y réfléchit bien. C’est ce qui fait tout l’intérêt de la chose d’ailleurs.
Elle s’est laissée retomber sur le dos.
– Stop ! Suffit. C’est tout pour aujourd’hui. Faut pas abuser des bonnes choses. On finit par s’en lasser sinon. C’est ce qu’elle dit toujours ma copine Emma. Et, là-dessus, elle a raison. Elle est trop, Emma. Ah, pour une vedette, c’est une vedette ! Je vous la ferai connaître, vous verrez ! Elle vous plaira, j’en suis sûre. Elle est encore pire que moi.
Son portable a bipé.
– C’est pas vrai ! Ils me ficheront pas la paix…
Elle y a jeté un coup d’œil. A soupiré. L’a reposé.
– En attendant, si je suis comme je suis maintenant, c’est grâce à elle, Emma. Parce que vous m’auriez vue, il y a encore seulement deux ans ! Pleine de principes, la fille ! Bardée de tout un tas de préjugés. Comment elle m’a fait voler tout ça en éclats ! « Ben, quoi ! Ils passent bien leur temps à nous mater tout partout, les mecs. Pourquoi on aurait pas le droit de faire pareil avec eux, nous ? » Et elle ne s’en privait pas. Dès qu’il y avait une occasion, elle sautait dessus. Je comprenais pas au début. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien y trouver ? Et puis, à force de la voir faire, de l’entendre en parler, j’ai fini par me donner le droit d’y prendre, moi aussi, du plaisir. On aime toutes ça en fait, nous, les filles, voir comment les mecs sont montés. Mais on ose pas se l’avouer. On se l’interdit. C’est pas du regard des autres qu’on a surtout peur, en l’occurrence, c’est du regard de soi-même sur soi-même. Qu’est-ce que je vais penser de moi ? Ben rien, en réalité ! Il y a aucune espèce de raison d’avoir honte, si on y réfléchit bien. De laisser des idées convenues qui n’ont aucun fondement réel nous dicter leur loi. Une fois que t’as a compris ça… Eh ben, une fois que t’as compris ça, qu’est-ce que t’as comme retard à rattraper !

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