mardi 28 août 2018

Alyssia, ma femme (24)



Alyssia a jeté son sac sur la petite table basse, près de l’entrée.
– Jusque chez elle je l’ai ramenée la Proserpine.
– Et ?
– Et, à mon avis, il verra jamais le jour son bouquin. C’est juste un prétexte.
– C’est bien ce que je commençais aussi à soupçonner un peu.
– Ce qu’il y a, en réalité, c’est que tu la fais bander.
– Moi !
– Oui. Enfin, non. Ce qui l’excite, et pas qu’un peu, c’est que tu me baises pas. Que tu baises personne, d’ailleurs. « Alors, pratiquement, il est eunuque, quoi ! » Et t’aurais vu comment ils brillaient ses yeux en disant ça ! De la folie ! J’ai quand même un peu douché son enthousiasme : tu baisais pas, non, mais tu t’amusais malgré tout tant et plus tout seul. J’étais bien placée pour le savoir. Elle a pris un air désolé… « Mais faut pas accepter ça ! » Et elle s’est lancée dans un long discours enflammé. Que les hommes, on leur demandait qu’une chose, c’était de satisfaire les femmes. Et que ceux qu’en étaient pas capables, il y avait aucune espèce de raison pour qu’on les laisse avoir des compensations par ailleurs. J’ai fait la moue. Ah, oui ? Et elle comptait le leur interdire comment ? Elle ne s’est pas laissée démonter. Oh, il y en avait plein des moyens. Mais le plus commode, et le plus courant, c’était encore la cage de chasteté. « Vous la lui enfermez bien à l’étroit là-dedans, vous gardez précieusement la clef sur vous et le tour est joué. »
– Elle a vraiment un problème, elle, hein !
– Non, tu crois ?
– Tu lui as répondu quoi ?
– Que c’était une excellente idée. Et que j’allais mettre ses conseils à exécution dans les plus brefs délais. Mais non, idiot ! Je lui ai rien dit du tout.
– Si bien que si elle a envie d’imaginer que tu vas vraiment le faire…
– Eh bien, elle l’imaginera. Elle peut bien penser ce qu’elle veut.
– Sauf qu’elle va pas nous lâcher…
– On y mettra bon ordre. Oh, mais on s’en fiche d’elle ! Dis-moi plutôt ! Qu’est-ce tu ferais à ma place ?
– Pour ?
– Benjamin, tiens, pardi ! Qu’est-ce tu veux d’autre ? Non, parce que si je réagis pas, là, après le coup qu’il m’a fait au Petit Castel, c’est la porte ouverte à tout ce qu’il veut. Il va me piétiner allègrement. Ce sera de plus en plus souvent qu’il me fera faux bond. Et moi je serai là, à attendre son bon vouloir, comme une conne. Alors non ! Non ! Je vais sûrement pas me laisser réduire à ça. Il y en a d’autres des queues, si je veux. Et des qui fonctionnent bien. C’est pas ça qui manque…
– Ce qu’il faudrait d’abord savoir, c’est ce qu’il en est au juste. Peut-être qu’il a vraiment eu un empêchement.
– Tu parles ! Il était avec une nana, oui. Qu’est-ce tu veux que ce soit d’autre ? Une pauvre conne qui lui a fait les yeux doux. Et lui, comme un imbécile, il a sauté à pieds joints dans le piège. Bon, mais bouge-toi, toi ! Reste pas planté là ! Fais quelque chose ! Essaie de savoir. Va le cuisiner ! Ou suis-le ! Je sais pas, moi, mais trouve une solution !

Séverine voulait encore me voir.
– Bon, ben ça y est !
Elle tombait bien, elle. Elle tombait on ne peut mieux.
– Qu’est-ce qui y est ?
– Sa nouvelle copine à Benjamin, je sais qui c’est.
– Ah ! Et alors ?
– Une petite jeune. Dix-neuf ans.
– Tant qu’à faire…
– C’est plutôt une bonne nouvelle pour vous, non ?
– Si on veut.
– Oh, ben si, si ! Parce qu’il va avoir la tête ailleurs maintenant. Avec votre femme il va prendre ses distances. De plus en plus. Quant à moi… Je vais peut-être vous étonner, mais j’en ai strictement plus rien à battre.
– Effectivement, c’est pour le moins inattendu.
– Trop, c’est trop. Et il arrive un moment où il faut savoir dire stop. Il est comme ça. Il changera pas. J’en ai pris mon parti. Et, pour être tout-à-fait franche avec vous, moi aussi, j’ai rencontré quelqu’un. Un monsieur courtois, affable, sensuel avec lequel je me sens bien. Avec qui je partage une foule de choses
Elle a longuement suivi des yeux un couple tendrement enlacé qui passait sur le trottoir.
– Ce que je voulais aussi vous dire, que vous ne soyez pas pris de court, c’est que j’ai bien l’intention de jouer cartes sur table avec Benjamin. Dans les plus brefs délais. Je vous préviendrai dès que ce sera fait.
– C’est-à-dire ? Vous allez divorcer ?
– Oh, non ! Non ! À moins qu’il le veuille vraiment. Ce que je ne crois pas. C’est pas le genre à chercher les complications, Benjamin ! Quant à moi, je préfère, et de loin, rester mariée. Mon ami ne l’est pas. Que je divorce et, le connaissant, il va faire des pieds et des mains pour me passer la bague au doigt. Ce à quoi je ne tiens absolument pas. Du moins pour le moment. Pour toutes sortes de raisons. Et vous, vous allez faire quoi ?
J’ai haussé les épaules.
– Rien. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Je vais attendre que la situation se décante d’elle-même.
– Ce qui, à mon avis, ne saurait tarder. Vu les mails enflammés qu’il adresse à cette Camille, vu comment elle est canon en plus, votre femme va pas faire long feu. Il n’aura plus guère de temps à lui consacrer. Vous voulez voir à quoi elle ressemble ?
– Pourquoi pas ?
– Eh bien vous vous rendez au centre Leclerc de la zone commerciale. Elle travaille au rayon « plats cuisinés ».
Elle s’est levée.
– Et tâchez de pas tomber amoureux d’elle. Ça compliquerait vraiment trop la situation…
– Il y a pas de risque.
Elle a eu une petite moue dubitative.
– Oh, alors ça !
Et elle s’est éloignée sans se retourner.

Lui aussi voulait me voir. Décidément !
– Sauf que là, j’ai pas trop le temps. Je suis déjà en retard. Et c’est un rendez-vous important. Qu’est-ce qui t’arrive ?
– Oh, rien. Rien de spécial. Enfin, si ! Qu’est-ce qu’elle a Alyssia ? J’ai l’impression qu’elle me fait la gueule.
– Il y a un peu de quoi, avoue, non ?
– Je sais, oui. Je suis désolé. Elle m’en veut beaucoup ?
– Ce qu’il y a surtout, c’est qu’elle est persuadée qu’il y a une nana derrière tout ça.
– Ça, évidemment, j’aurais dû m’en douter.
– Et c’est pas le cas ?
– Je t’expliquerai. Mais alors, pour la petite serveuse, la fille du patron, elle m’a raconté des salades. Histoire de se venger. C’est ça, hein ?
– Pas vraiment, non.
– Ah, oui ? Qu’est-ce qu’il y a eu ?
– Écoute, faut vraiment que j’y aille, là. Mais moi aussi, je t’expliquerai. Quand on sera au calme.

6 commentaires:

  1. Il va aller voir la nouvelle de Benjamin ? Et plus si affinités ?

    Ça serait bien, un sacré retour de manivelle .

    Son amitié avec sa femme marche plutôt bien. Quand à dire qu'ils sont amoureux, ça ne se voit toujours pas.

    Il a du prendre du biceps à un bras.

    RépondreSupprimer
  2. Il peut se passer quelque chose d'un peu inattendu… Mais laissons-le donc aller voir la nouvelle copine de Benjamin.

    RépondreSupprimer
  3. Oui, allons au rayon traiteur de chez Leclerc....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. D'autant qu'en règle générale ils ont d'excellents produits.

      Supprimer