mardi 21 août 2018

Alyssia, ma femme (23)


– On descend pas déjeuner ?
– Non. Ce matin, on se fait servir dans la chambre.
– Par Eugénie ?
– Évidemment, par Eugénie… Ça t’a pas déplu, avoue, la petite séance d’hier soir, hein ?
– Je serais difficile.
– Et t’es pas au bout de tes surprises. Elle est très joueuse, cette petite. Et pleine de ressources.
– C’est-à-dire ?
– Tu verras bien.
– Mais si, dis ! Au moins un peu.
Il y a eu du bruit dans le couloir. Puis dans la chambre d’à côté. Encore dans le couloir.
– Tiens, ben la v’là justement !
Elle a frappé, est entrée, vêtue de son petit tablier de serveuse blanc.
– Bonjour !
Avec un grand sourire.
Et elle nous a tourné le dos pour aller déposer le plateau sur la table, près de la fenêtre. Ses fesses étaient nues. Totalement nues. Superbement nues. Elle a pris tout sont temps, fait mine de rectifier la position des tasses, celle des couverts avant de majestueusement naviguer vers la porte sur le pas de laquelle elle s’est retournée.
– Bonne journée…
– À toi aussi…
Alyssia a hoché la tête.
– Elle doit être ravie. C’est un fantasme qu’elle rêvait de réaliser depuis tellement longtemps…
– Si elle en a d’autres comme ça, je suis preneur.
– Oh, oui, qu’elle en a d’autres ! Des quantités…
– Inutile que je te demande lesquels, j’imagine ?
– Inutile, en effet ! Tu les découvriras en temps voulu.

On s’est levés.
– En tout cas, ce qu’il y a de sûr, c’est que tu bandes !
– Ben… Il y a de quoi, non ? Mais tu sais ce que je me demande ? Elle est quand même pas redescendue aux cuisines dans cette tenue ? Si ?
– Ah, ça te plairait, ça, hein ! Et à elle aussi, sûrement ! C’est malheureusement pas possible. Pour des raisons évidentes. Non. En fait, la chambre d’à côté, qui est vide ce matin, lui a servi de vestiaire.
Son téléphone a vibré.
– Benjamin… Ce cher Benjamin… Allô, oui…
Elle a mis le haut-parleur.
– Alyssia ? Je suis vraiment désolé pour hier soir, mais j’ai vraiment pas pu faire autrement. C’était beaucoup trop risqué.
– Tu as très bien réagi. Ne commets surtout pas d’imprudences. Non, mais t’imagines si on pouvait plus se voir du tout ? Je le supporterais pas, Benjamin. Ça, c’est quelque chose que je ne supporterais pas.
– On n’en est pas là…
– J’espère bien…
– Non, non… T’inquiète pas ! Il s’agit juste d’éviter de se voir pendant trois-quatre jours. Le temps qu’elle se rassure. Que ses soupçons se dissipent. Bon, mais vous avez fait quoi alors, du coup, avec Alex ? Vous êtes rentrés ?
– On s’est tâtés… Et puis, finalement, non, on est restés. Et on l’a pas regretté. Ah, non alors ! Parce que je peux te dire que t’as loupé quelque chose.
– Quoi donc ?
– Eugénie, la petite serveuse, la fille du patron… Elle est chaude comme la braise.
– Qu’est-ce qui s’est passé ?
– Je te raconterai… Quand on se verra. Ce serait trop long. Mais ça vaut son pesant d’or, je t’assure. Tant et si bien qu’on va rester là, cet après-midi. Et peut-être même la nuit prochaine.
– Je vais voir…
– Tu vas voir quoi ?
– Si, éventuellement, je peux pas venir vous rejoindre.
– Sûrement pas, non. T’es inconscient ou quoi ? T’as envie que ta bonne femme découvre le pot-aux-roses ?
– Si je manœuvre bien…
– Ah, non, Benjamin, non. C’est hors de question. Ce serait complètement irresponsable. Il y aura d’autres occasions n’importe comment. Allez, file ! Va travailler ! On se rappelle dans la journée.
– Je t’aime…
– Moi aussi.
Et elle a raccroché.
– Il se fout de ma gueule, hein ! Il se fout vraiment de ma gueule. Soi-disant qu’il faut, par sécurité, qu’on reste quelques jours sans se voir. Je lui parle d’Eugénie. Je l’allèche avec et là, comme par enchantement, toutes les difficultés sont aplanies. Il est prêt à nous rejoindre dans la minute qui suit. T’en penses quoi, toi ?
– Que sa nouvelle conquête n’est pas, à ses yeux, aussi importante que ça puisqu’il était disposé à te la sacrifier pour venir passer la soirée avec toi.
– La passer avec Eugénie, tu veux dire, plutôt, oui ! Bon, mais importante ou pas, c’est pas mon problème. Je sais ce qu’il me reste à faire.
– C’est-à-dire ?
– Que je vais sûrement pas passer mon temps à attendre qu’il soit disponible pour moi. Je vais me trouver quelqu’un d’autre. Et jouer sur les deux tableaux.

Proserpine nous attendait en bas.
– Vous allez sans doute me trouver terriblement insistante, mais on a été interrompus hier soir et j’aurais vraiment aimé qu’on puisse poursuivre notre conversation. Je tiens beaucoup à écrire ce livre et si je ne dispose pas d’éléments suffisamment…
Alyssia l’a interrompue.
– Je vous ramène si vous voulez. On pourra discuter comme ça. Allez, montez !

Je me suis un peu attardé. Je suis remonté dans la chambre. Redescendu. Sur la terrasse du petit déjeuner, maintenant déserte, Eugénie remettait un peu d’ordre. Un coup de torchon par ci, une chaise remise en place par là. Je me suis approché.
– Je voulais vous dire…
Elle n’a pas relevé la tête.
– Merci pour tout-à-l’heure.
Toujours pas.
– Et aussi pour hier soir.
Elle m’a jeté un bref regard, vaguement confus.
– Et merci à vous.
– J’ai beaucoup, mais alors là vraiment beaucoup apprécié.
Elle a plongé ses yeux dans les miens.
– Moi aussi !
Et elle s’est enfuie.

4 commentaires:

  1. Enfin une initiative.

    Il a dit bonjour et merci à une autre.


    C'est une avancée.

    RépondreSupprimer
  2. C'est un début. Il y aura d'autres avancées. Et d'avancée en avancée (entremêlées parfois de retours en arrière…

    RépondreSupprimer
  3. Quelque chose est en train de s'enclencher…

    RépondreSupprimer