mardi 3 avril 2018

Alyssia, ma femme (3)


Les Pages Jaunes. Les hôtels. Dans un rayon de trente kilomètres. Puis de cinquante. « Le petit Castel » Voilà.
J’ai pris ma matinée.
C’était donc là. Une coquette petite auberge dans un parc aux arbres centenaires. Un couple déjeunait sous la glycine. La femme m’a souri. Je me suis installé à la table voisine de la leur, me suis fait apporter un café-crème et des croissants que j’ai tranquillement dégustés, la tête levée vers la rangée des fenêtres là-haut.
À la réception j’ai attendu un long moment. Fini par sonner.
– Monsieur ?
– Une chambre pour samedi soir, ce serait possible ?
– Mais certainement ! En façade ou sur l’arrière ?
– J’aurais souhaité, si elle est libre, la 123.
– Elle l’est…
– C’est parfait. Je la prends.

Elle se coupait les ongles des orteils, dans la salle de bains, un pied posé sur le tabouret, la joue appuyée sur le genou.
– Et pour les Vacances cet été ?
– Eh bien ?
– On va toujours à Vienne ?
– Évidemment qu’on va toujours à Vienne. Pourquoi on n’irait plus ?
– T’aurais pu changer d’avis.
– Et envisager quelque chose avec Benjamin ? C’est ça ? Oui, alors là, je te rassure tout de suite. D’abord, je te rappelle qu’il est marié. Il a une une femme, deux enfants et nullement l’intention de mettre le bazar dans sa vie. Et quand bien même il réussirait, par extraordinaire, à se libérer, c’est vraiment pas le genre de personne avec qui il me viendrait à l’idée d’aller faire les musées, les expos ou de m’adonner à quelque activité culturelle que ce soit. C’est le genre de choses qui l’emmerde prodigieusement. Or moi, je peux pas envisager les vacances sans ça. Et ça, ça peut être qu’avec toi. Et personne d’autre…

Dans l’ignorance de ce qu’allait être au juste leur programme, je me suis pointé là-bas le plus tôt possible. Quatorze heures. Dans une voiture – discrétion oblige – tout spécialement louée pour la circonstance. Je suis monté. Chambre 123. Et j’ai attendu. J’ai lu. J’ai surfé sur Internet. J’ai sursauté chaque fois que des pas s’aventuraient dans le couloir.
Dix-huit heures. Sa voix. Son rire. Qui se sont rapprochés.
– Oui, ben alors là, t’as qu’à y croire ! Je vais te mettre sur les rotules, oui !
La clef dans la serrure. Le silence. Ils se sont abattus, presque aussitôt, sur le lit. S’y sont ébattus.
– J’ai trop envie, Benjie ! Oh, comment j’ai trop envie…
En ont fait furieusement hurler les ressorts. Elle s’est envolée. À grandes déferlantes éperdues. Reconnaissantes.
– Oh, Benjie ! Oh, Benjie ! Oh, Benjie ! Oh, Benjie !
Ça s’est apaisé. C’est retombé. Il y a eu des baisers claqués. Des murmures. Encore une plage de silence. Qu’il a rompue.
– Et tout à l’heure…
– Eh bien ?
– Je te prends à quatre pattes sur la moquette, le cul en l’air. J’adore quand tes petites fesses se trémoussent en implorant la queue.
Des chuchotements. Son rire. Haut perché.
– Non, Benjie ! Non ! Je suis chatouilleuse.
– Ben, justement ! Raison de plus !
Une course folle à travers la chambre. Qui s’est achevée dans la salle de bains. Dont la porte a claqué. Des ruissellements d’eau lointains. Leurs voix étouffées.
Il est revenu. Seul. Les pages d’un journal qu’on déplie.
Et puis elle.
– Tu es ravissante. Absolument ravissante.
Ils ont quitté la chambre.

Quand ils l’ont regagnée, il était près de minuit.
– Et qu’est-ce qu’on va faire maintenant ?
– Tu vas me…
– Dis-le !
– Me faire l’amour.
– Mieux que ça.
– Me baiser.
– Encore mieux.
– Me tringler.
– Te tringler, oui. Te sauter. T’enfiler. Ça t’excite les mots cochons, hein ?
– Oui. Et puis l’idée.
– Quelle idée ?
– Que tu vas me prendre en levrette. Et décharger bien à fond en moi.
– Mais avant ? Qu’est-ce que je vais faire avant ?
– Tu vas… Tu vas… Me reluquer toute la panoplie. Sans que je puisse te voir faire.
– Bien exposée. Bien baillante. Ça t’excite, ça, hein ? T’es déjà toute trempée, je suis sûr. Fais voir. Oh, là là, oui ! C’est carrément les grandes marées, dis donc. Allez, en position, ma chérie ! Là ! Penche-toi ! Encore ! Bien en l’air, ton petit cul. Comme ça, oui ! Quel délicieux spectacle !
Un long silence. Et puis elle a grogné. Un interminable grognement rauque.
– C’est bon, hein, la queue qui flâne, comme ça, à l’entrée…
– Tu me rends folle, Benjie ! Viens ! Viens ! Mets-moi ta bite !
– Pas encore ! Dandine-toi bien ! Tortille-le bien ton petit derrière ! J’adore.
– Je t’en supplie ! Maintenant ! Viens ! Rentre !
Et elle a déferlé. Hoqueté. Rugi. Sans la moindre retenue.

Ils ont remis ça au matin. Plus retenu. Plus apaisé. En plaintes douces longuement étirées.
Avant de descendre déjeuner en bas, dans le soleil, sur la terrasse. Il me faisait face. Un grand brun respirant la force et la tranquillité. Qui la couvait d’un regard enjôleur.
Dissimulé par le rideau, je les ai regardés regagner la voiture, étroitement enlacés. S’y engouffrer. S’éloigner.

Ils n’avaient pas refermé la porte de leur chambre à clef. Je m’y suis discrètement introduit. Le lit était ouvert. J’ai lentement passé une main sur les draps froissés, enfoui ma tête dans les oreillers encore tout imprégnés de son parfum. J’ai cherché en vain, sur la moquette, l’emplacement de leurs ébats, opéré une rapide incursion dans la salle de bains.
Et j’ai quitté les lieux. J’ai erré, au hasard, dans les environs. Je ne me sentais pas le cœur de rentrer dans la maison vide. J’ai déjeuné, à midi, dans un petit restaurant minable. Échoué dans un cinéma de quartier. Tenté désespérément de m’intéresser au film. Traîné encore longuement mon ennui au long de rues désertes. À sept heures, je me suis lentement rapatrié. Elle devait être rentrée maintenant.
Elle ne l’était pas. Je l’ai attendue. Ai fini par me coucher. Vaguement m’assoupir.
Son pas, léger, dans la nuit. Elle s’est glissée à mes côtés dans le lit, s’est pelotonnée contre moi.

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