Les Pages Jaunes. Les hôtels. Dans un rayon de trente
kilomètres. Puis de cinquante. « Le petit Castel » Voilà.
J’ai pris ma matinée.
C’était donc là. Une coquette petite auberge dans un
parc aux arbres centenaires. Un couple déjeunait sous la glycine. La femme m’a
souri. Je me suis installé à la table voisine de la leur, me suis fait apporter
un café-crème et des croissants que j’ai tranquillement dégustés, la tête levée
vers la rangée des fenêtres là-haut.
À la réception j’ai attendu un long moment. Fini par
sonner.
– Monsieur ?
– Une chambre pour samedi soir, ce
serait possible ?
– Mais certainement ! En façade
ou sur l’arrière ?
– J’aurais souhaité, si elle est
libre, la 123.
– Elle l’est…
– C’est parfait. Je la prends.
Elle se coupait les ongles des orteils, dans la salle
de bains, un pied posé sur le tabouret, la joue appuyée sur le genou.
– Et pour les Vacances cet été ?
– Eh bien ?
– On va toujours à Vienne ?
– Évidemment qu’on va toujours à
Vienne. Pourquoi on n’irait plus ?
– T’aurais pu changer d’avis.
– Et envisager quelque chose avec
Benjamin ? C’est ça ? Oui, alors là, je te rassure tout de suite.
D’abord, je te rappelle qu’il est marié. Il a une une femme, deux enfants et
nullement l’intention de mettre le bazar dans sa vie. Et quand bien même il
réussirait, par extraordinaire, à se libérer, c’est vraiment pas le genre de
personne avec qui il me viendrait à l’idée d’aller faire les musées, les expos
ou de m’adonner à quelque activité culturelle que ce soit. C’est le genre de
choses qui l’emmerde prodigieusement. Or moi, je peux pas envisager les
vacances sans ça. Et ça, ça peut être qu’avec toi. Et personne d’autre…
Dans l’ignorance de ce qu’allait être au juste leur
programme, je me suis pointé là-bas le plus tôt possible. Quatorze heures. Dans
une voiture – discrétion oblige – tout spécialement louée pour la
circonstance. Je suis monté. Chambre 123. Et j’ai attendu. J’ai lu. J’ai surfé
sur Internet. J’ai sursauté chaque fois que des pas s’aventuraient dans le
couloir.
Dix-huit heures. Sa voix. Son rire. Qui se sont
rapprochés.
– Oui, ben alors là, t’as qu’à y
croire ! Je vais te mettre sur les rotules, oui !
La clef dans la serrure. Le silence. Ils se sont
abattus, presque aussitôt, sur le lit. S’y sont ébattus.
– J’ai trop envie, Benjie ! Oh,
comment j’ai trop envie…
En ont fait furieusement hurler les ressorts. Elle
s’est envolée. À grandes déferlantes éperdues. Reconnaissantes.
– Oh, Benjie ! Oh, Benjie !
Oh, Benjie ! Oh, Benjie !
Ça s’est apaisé. C’est retombé. Il y a eu des baisers
claqués. Des murmures. Encore une plage de silence. Qu’il a rompue.
– Et tout à l’heure…
– Eh bien ?
– Je te prends à quatre pattes sur la
moquette, le cul en l’air. J’adore quand tes petites fesses se trémoussent en
implorant la queue.
Des chuchotements. Son rire. Haut perché.
– Non, Benjie ! Non ! Je
suis chatouilleuse.
– Ben, justement ! Raison de
plus !
Une course folle à travers la chambre. Qui s’est
achevée dans la salle de bains. Dont la porte a claqué. Des ruissellements
d’eau lointains. Leurs voix étouffées.
Il est revenu. Seul. Les pages d’un journal qu’on
déplie.
Et puis elle.
– Tu es ravissante. Absolument
ravissante.
Ils ont quitté la chambre.
Quand ils l’ont regagnée, il était près de minuit.
– Et qu’est-ce qu’on va faire
maintenant ?
– Tu vas me…
– Dis-le !
– Me faire l’amour.
– Mieux que ça.
– Me baiser.
– Encore mieux.
– Me tringler.
– Te tringler, oui. Te sauter.
T’enfiler. Ça t’excite les mots cochons, hein ?
– Oui. Et puis l’idée.
– Quelle idée ?
– Que tu vas me prendre en levrette.
Et décharger bien à fond en moi.
– Mais avant ? Qu’est-ce que je
vais faire avant ?
– Tu vas… Tu vas… Me reluquer toute la
panoplie. Sans que je puisse te voir faire.
– Bien exposée. Bien baillante. Ça
t’excite, ça, hein ? T’es déjà toute trempée, je suis sûr. Fais voir. Oh,
là là, oui ! C’est carrément les grandes marées, dis donc. Allez, en position,
ma chérie ! Là ! Penche-toi ! Encore ! Bien en l’air, ton
petit cul. Comme ça, oui ! Quel délicieux spectacle !
Un long silence. Et puis elle a grogné. Un
interminable grognement rauque.
– C’est bon, hein, la queue qui flâne,
comme ça, à l’entrée…
– Tu me rends folle, Benjie !
Viens ! Viens ! Mets-moi ta bite !
– Pas encore ! Dandine-toi
bien ! Tortille-le bien ton petit derrière ! J’adore.
– Je t’en supplie !
Maintenant ! Viens ! Rentre !
Et elle a déferlé. Hoqueté. Rugi. Sans la moindre
retenue.
Ils ont remis ça au matin. Plus retenu. Plus apaisé.
En plaintes douces longuement étirées.
Avant de descendre déjeuner en bas, dans le soleil,
sur la terrasse. Il me faisait face. Un grand brun respirant la force et la
tranquillité. Qui la couvait d’un regard enjôleur.
Dissimulé par le rideau, je les ai regardés regagner
la voiture, étroitement enlacés. S’y engouffrer. S’éloigner.
Ils n’avaient pas refermé la porte de leur chambre à
clef. Je m’y suis discrètement introduit. Le lit était ouvert. J’ai lentement
passé une main sur les draps froissés, enfoui ma tête dans les oreillers encore
tout imprégnés de son parfum. J’ai cherché en vain, sur la moquette,
l’emplacement de leurs ébats, opéré une rapide incursion dans la salle de bains.
Et j’ai quitté les lieux. J’ai erré, au hasard, dans
les environs. Je ne me sentais pas le cœur de rentrer dans la maison vide. J’ai
déjeuné, à midi, dans un petit restaurant minable. Échoué dans un cinéma de
quartier. Tenté désespérément de m’intéresser au film. Traîné encore longuement
mon ennui au long de rues désertes. À sept heures, je me suis lentement
rapatrié. Elle devait être rentrée maintenant.
Elle ne l’était pas. Je l’ai attendue. Ai fini par me
coucher. Vaguement m’assoupir.
Son pas, léger, dans la nuit. Elle s’est glissée à mes
côtés dans le lit, s’est pelotonnée contre moi.
Ben c'est triste quand même...
RépondreSupprimerAssurément pas facile à vivre, mais c'est une situation que j'avais envie d'explorer.
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