Elle est allée remettre en place, une à une, les robes que la
dernière cliente avait laissées en vrac sur la tabouret d’une
cabine. Avant de me rejoindre à la caisse.
– Vous
allez faire quoi ?
– Pour ?
– Ben,
pour cette nuit, tiens ! Quand je serai ici, au magasin, comme on a
dit, à m’envoyer en l’air avec Baptiste.
– À
ton avis ?
– Vous
allez descendre. Vous allez forcément descendre. Ça, oui, mais
après ? Vous allez rester planqué à nous mater dans l’obscurité,
ou bien vous allez surgir, d’un coup, comme un diable de sa boîte ?
– Qu’est-ce
tu préférerais ?
– Je
sais pas. Je suis partagée.
– Et
lui ?
– Oh,
lui, que vous interveniez, alors là, il y a pas photo.
J’ai
fait mine de m’absorber dans mes factures.
– Alors ?
Vous m’avez pas répondu. Vous allez faire quoi ?
– Tu
verras bien.
– Ce
que vous pouvez être chiant quand vous vous y mettez !
Et
elle m’a tiré la langue.
* *
*
Elle
a poussé un hurlement de bonheur.
– Baptiste !
Baptiste
qui venait de faire son apparition, tout sourire, au magasin.
Elle
s’est jetée dans ses bras.
– Baptiste,
toi, enfin ! Oh, que je suis contente ! Tu peux pas savoir ce que
je suis contente…
Et
s’est tournée vers moi.
– Je
peux y aller ? Je peux monter ?
J’ai
levé les yeux vers la pendule au-dessus de la caisse.
– Sûrement
pas, non ! Il reste vingt minutes.
Elle
m’a jeté un regard interloqué.
– Hein !
Mais il y a plus personne !
A
ébauché un sourire.
– Ah,
ben d’accord ! Vous le prenez comme ça ? Eh bien, on va voir
ce qu’on va voir. Viens, toi !
Elle
l’a entraîné vers une cabine, a tiré le rideau sur eux. Un
rideau qu’elle a soigneusement ramené jusqu’au bout.
J’ai
pesté entre mes dents.
– La
garce !
Une
cliente est entrée. Qui a longuement fait le tour du magasin. Tâté
ici. Soulevé là. Décroché. Raccroché. Qui a pris tout son temps.
De la cabine provenaient, de temps à autre, des soupirs étouffés.
Par moments, le rideau vibrait, frissonnait, finissait par onduler
furieusement. Toute à son vagabondage entre les portants, la cliente
semblait ne s’apercevoir de rien. Elle a enfin, à mon grand
soulagement, dérivé lentement vers la porte.
– J’arrive
pas à me décider. Je reviendrai.
Je
me suis empressé de descendre le volet roulant. Et j’ai claironné.
– Ça
y est ! C’est fermé.
La
tête hirsute, cramoisie, de Coralie est apparue dans l’embrasure
du rideau.
– Trop
tard ! On a fini…
Ils
se sont extirpés de la cabine. Elle s’est ébrouée, la mine
ravie.
– Hou !
Comment ça fait du bien. Depuis le temps que j’attendais ça !
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