mardi 12 mai 2020

Hébergement d'urgence (9)


Elle est allée remettre en place, une à une, les robes que la dernière cliente avait laissées en vrac sur la tabouret d’une cabine. Avant de me rejoindre à la caisse.
– Vous allez faire quoi ?
– Pour ?
– Ben, pour cette nuit, tiens ! Quand je serai ici, au magasin, comme on a dit, à m’envoyer en l’air avec Baptiste.
– À ton avis ?
– Vous allez descendre. Vous allez forcément descendre. Ça, oui, mais après ? Vous allez rester planqué à nous mater dans l’obscurité, ou bien vous allez surgir, d’un coup, comme un diable de sa boîte ?
– Qu’est-ce tu préférerais ?
– Je sais pas. Je suis partagée.
– Et lui ?
– Oh, lui, que vous interveniez, alors là, il y a pas photo.
J’ai fait mine de m’absorber dans mes factures.
– Alors ? Vous m’avez pas répondu. Vous allez faire quoi ?
– Tu verras bien.
– Ce que vous pouvez être chiant quand vous vous y mettez !
Et elle m’a tiré la langue.

* *
*

Elle a poussé un hurlement de bonheur.
– Baptiste !
Baptiste qui venait de faire son apparition, tout sourire, au magasin.
Elle s’est jetée dans ses bras.
– Baptiste, toi, enfin ! Oh, que je suis contente ! Tu peux pas savoir ce que je suis contente…
Et s’est tournée vers moi.
– Je peux y aller ? Je peux monter ?
J’ai levé les yeux vers la pendule au-dessus de la caisse.
– Sûrement pas, non ! Il reste vingt minutes.
Elle m’a jeté un regard interloqué.
– Hein ! Mais il y a plus personne !
A ébauché un sourire.
– Ah, ben d’accord ! Vous le prenez comme ça ? Eh bien, on va voir ce qu’on va voir. Viens, toi !
Elle l’a entraîné vers une cabine, a tiré le rideau sur eux. Un rideau qu’elle a soigneusement ramené jusqu’au bout.
J’ai pesté entre mes dents.
– La garce !
Une cliente est entrée. Qui a longuement fait le tour du magasin. Tâté ici. Soulevé là. Décroché. Raccroché. Qui a pris tout son temps. De la cabine provenaient, de temps à autre, des soupirs étouffés. Par moments, le rideau vibrait, frissonnait, finissait par onduler furieusement. Toute à son vagabondage entre les portants, la cliente semblait ne s’apercevoir de rien. Elle a enfin, à mon grand soulagement, dérivé lentement vers la porte.
– J’arrive pas à me décider. Je reviendrai.
Je me suis empressé de descendre le volet roulant. Et j’ai claironné.
– Ça y est ! C’est fermé.
La tête hirsute, cramoisie, de Coralie est apparue dans l’embrasure du rideau.
– Trop tard ! On a fini…
Ils se sont extirpés de la cabine. Elle s’est ébrouée, la mine ravie.
– Hou ! Comment ça fait du bien. Depuis le temps que j’attendais ça !

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