mardi 26 mai 2020

Hébergement d'urgence (11)

Elle était attablée, dans la cuisine, les seins nus, devant un grand bol de café au lait et quatre immenses tranches de pain braisé qu’elle avait recouvertes d’une épaisse couche de beurre.

– Tu vas manger tout ça ?

– Et comment ! Je crève la dalle, moi, ce matin !

– Il dort encore, Baptiste ?

– Non, il est parti bosser. Complètement sur les rotules. Parce que je sais pas si vous avez entendu, mais on a joué les prolongations, nous, après.

Et elle a mordu, à pleines dents, dans sa deuxième tartine.

– Je peux vous demander… vous avez aimé ça, nous voir ?

– Tu parles si j’ai aimé !

– Vous prétendriez le contraire… Non, vous étiez à la fête, c’est clair. Oh, mais on recommencera, hein, vous inquiétez pas ! Parce que vous avez pas idée de comment il y tient, Baptiste, à que ça se passe devant vous. Au moins de temps en temps. Il y avait plus de huit jours qu’au téléphone il me parlait plus que de ça. Et comme moi, de mon côté, je suis prête à en passer par tout ce qu’il veut pour qu’on n’arrête pas de se voir tous les deux. Et quand je dis se voir, c’est façon de parler. Parce qu’aucun mec m’a jamais fait jouir comme ça avant, moi. Jamais ! Et Dieu sait pourtant que j’en ai eu.

Elle s’est attaquée à une nouvelle tartine.

– Cela étant, faut pas croire non plus que c’était juste pour lui faire plaisir à lui, hein ! J’y ai trouvé mon compte, moi aussi… Oh, ben oui, attendez ! Avoir quelqu’un, comme ça, à côté, qui regarde, et qui se contente pas de regarder, c’est forcément un plus.

Elle a esquissé un demi-sourire.

– Et puis, ça m’a donné l’occasion de faire un vœu. Parce que c’était la première fois que j’en voyais une en vrai, une queue de quelqu’un de votre âge.

– Et c’était quoi, le vœu ?

– Parce que vous croyez que je vais vous le dire ? Non, mais vous rêvez pas un peu, là ?


* *

*


On venait tout juste d’ouvrir le magasin quand son portable a sonné.

– C’est lui ! Allô, oui, Baptiste ! Quoi ? Comment ça ? Dans la cabine d’hier ? T’es vraiment complètement fou. Mais oui, je vais le faire, oui. Tu veux tout de suite, là ? Non ? Quand alors ? T’es vraiment tordu un max, toi, hein ! Oui, c’est ça, à tout à l’heure. Moi aussi, je t’embrasse.

Et elle a raccroché.

– Il va rappeler. À onze heures. C’est là qu’on a le plus de monde. Il veut qu’on fasse un truc, lui et moi.

– Quoi, comme truc ?

– Que j’aille dans la cabine où on était hier et que je m’assoie sur le tabouret, la culotte descendue sur les chevilles, en m’arrangeant pour que mes pieds dépassent sous le rideau. Et un peu la culotte aussi, du coup. Mais pas trop quand même. Lui, pendant ce temps-là, il me chauffera plein pot au téléphone. Et la prochaine fois que vous vous verrez, tous les deux, il vous demandera si je l’ai vraiment fait et comment ça s’est passé.

– Faut pas que tu te sentes obligée à quoi que ce soit non plus, hein ! Je peux avoir beaucoup d’imagination quand je veux.

– Oh, non, non ! Ça me porterait malheur de lui mentir. Et puis n’importe comment…

– Ça te déplaît pas vraiment.

Elle n’a pas répondu. Elle s’est éclipsée en réserve.


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