mardi 10 septembre 2019

Clorinde, ma colocataire (46)


Mégane n’était pas sur le terrain. Elle s’était réfugiée à l’intérieur. Et elle pleurait à chaudes larmes.
– Ben, qu’est-ce qui vous arrive ? C’est quoi, ce gros chagrin ?
– Rien. C’est rien.
– Mais si ! Dites !
– C’est que…
Et ses larmes ont redoublé. Se sont transformées en sanglots.
– Allons ! Allons !
Je l’ai prise dans mes bras. Elle s’est abandonnée contre moi. Je lui ai doucement caressé la joue. La tempe. La nuque.
Elle s’est calmée, a relevé la tête, m’a souri à travers ses larmes.
– Venez vous asseoir. Venez !
Sur le banc à côté des casiers. Je lui ai pris la main, ai entrecroisé mes doigts avec les siens. Elle m’a encore souri.
– C’est votre mari, hein !
Elle a fait signe que oui. Oui.
– Il a été odieux. Plus bas que terre il m’a mise. Que je suis invivable. Que personne pourrait me supporter. Personne. Et qu’il se demande ce qu’il fout encore avec moi.
Elle s’est tue. J’ai posé sa main sur ma cuisse. Elle l’y a laissée, a levé sur moi un regard bouleversé.
– Vous me trouvez moche, vous ?
– Jamais de la vie ! Vous êtes mignonne comme tout.
– Vous dites ça pour me faire plaisir.
– Je vous assure que non.
– C’est gentil. Et ça fait du bien. Parce que c’est pas facile à vivre, vous savez, quand votre mari vous trouve tous les défauts du monde.
– Oui, mais enfin, il a pas toujours dit ça…

Clorinde s’est étirée.
– Oui. Bon, bref. Vous avez fait la causette. Un bon bout de temps. Elle, à se lamenter. Et vous, à la consoler. Et puis après, vous l’avez embrassée. Non ?
– Un peu.
– Tu parles ! Je suis bien tranquille que vous vous êtes roulé pelle sur pelle un sacré moment, oui ! Et que vous, vous, en avez profité pour laisser traîner vos paluches ici et là. C’est pas vrai peut-être ? Bon, mais alors finalement, vous l’avez décroché le jackpot ou pas ?
– Sur le banc, avec le risque que quelqu’un déboule à tout moment, les conditions n’étaient pas vraiment idéales.
– Et donc, la partie de jambes en l’air est reportée à une date ultérieure. C’est pour bientôt ?
– On doit déjeuner, demain midi, dans une petite auberge de campagne, à l’écart de tout.
– Avec des chambres au-dessus, j’imagine. Je suis pas sûre que ce soit une bonne idée.
– Ah, non ? Pourquoi ?
– Parce que vous n’avez plus vingt ans. Et qu’une rude soirée vous attend. J’ai invité Alexandra.
– Oui, mais Alexandra…
– N’attend que ça. Vous entendriez comment elle parle de vous. « J’ai jamais eu autant envie avec un type. Jamais. Rien qu’à le voir, rien qu’à penser à lui, tu peux pas savoir ce que ça me fait. Non, mais comment il est séduisant, c’est de la folie. Et patati et patala. » Vous allez quand même pas la laisser dans cet état-là ! Ce serait inhumain. Et puis, de toute façon, vous aurez pas le choix.
– Comment ça ?
– Je recevrai un coup de téléphone urgent. Et je serai obligée de vous laisser tous les deux.
– T’as calculé ça avec elle, je suis sûr.
– Ben, évidemment !
– Tu es démoniaque.
– Comme si vous le saviez pas déjà !

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