mardi 3 septembre 2019

Clorinde, ma colocataire (45)


Elle a voulu qu’on aille passer la nuit « chez elle ».
– Parce que le pauvre Vincent, à côté, si sa douche est toujours pas réparée, il doit commencer à puer.
Elle s’est déshabillée, allongée toute nue sur le lit. Sans l’ouvrir.
– Non, et puis c’est bien beau Alexandra, Mégane, le magnétiseur, tout ça, mais il faut aussi qu’on soit dans notre truc à nous. Parce que c’est ça le plus important, non ?
J’en étais bien d’accord. Et je suis venue m’étendre auprès d’elle.
Elle m’a posé la main sur la queue.
– Même qu’on couche pas, j’ai des droits dessus. Bien plus que n’importe qui d’autre.
Elle me l’a lissée. Du bout du doigt. L’a fait grimper. Contemplée. A déposé un petit baiser au bout.
– On fait quoi ? Qu’est-ce vous avez envie ?
Je savais pas. Ce qu’elle voulait, elle. Qu’elle décide !
– C’est toujours moi ! Vous êtes pas marrant à force.
Elle s’est soulevée, appuyée sur un coude.
– C’est trop marrant des couilles, n’empêche !
J’ai senti son souffle dessus. Elle leur a envoyé une petite pichenette. Une autre.
– C’est complètement improbable en fait comme truc.
Elle en a pris la peau entre ses dents, a serré, relâché.
– Faudra que je vous les morde un jour… Un bon coup. Un jour que j’en serai bien. Bon, mais allez ! Qu’est-ce qu’on fait ?
Elle s’est penchée à mon oreille. A chuchoté, rieuse.
– On le fait s’astiquer, le Vincent, là, de l’autre côté ?
Elle a sorti son petit enregistreur.
– Qu’est-ce que je vais lui choisir ? Oui, cette fois-là, tiens ! C’était à l’hôtel. Et je savais qu’on pouvait m’entendre autour. Un type surtout qu’avait pas arrêté de me lorgner de tout le repas.
Elle a mis en mode lecture. Ses soupirs. Ses halètements. Ténus d’abord. Retenus.
On s’est levés sans bruit. On s’est approchés de la cloison. On y a collé l’oreille.
Elle m’a fait signe, de sa main refermée, agitée de haut en bas. Et de bas en haut. « Ça y est ! Il y va. »
C’était vrai. On percevait un souffle précipité, accompagné de légers crissements réguliers de matelas.
Sur le lit, dans le petit enregistreur, elle s’est emballée. En grondements sourds. Qui se sont amplifiés. Qui sont devenus raz-de-marée de jouissance éperdue. Clamée à pleine voix.
Elle s’est silencieusement accompagnée, l’index en tourbillons impétueux sur son bouton, l’oreille plaquée contre la cloison, les yeux fixés sur ma queue dressée dont je m’occupais avec conviction.
À côté, il est allé plus vite, plus profond. Il a lâché un cri étouffé. Un seul.
Elle a fermé les yeux, renversé la tête en arrière, entrouvert la bouche. Et joui sans bruit. Et puis elle s’est penchée à mon oreille.
– Qu’est-ce que vous pariez que demain il va se pointer à la première heure ? En se disant qu’avec un peu de chance je serai à moitié à poil.

Ce qui n’a pas loupé.
Sauf qu’elle s’était levée avant. Et habillée.
Dans son regard est passé un éclair de déception. Qu’il a très vite réprimé.
Elle lui a souri.
– Votre chauffe-eau est toujours en panne ?
– Je sais pas s’il le sera un jour. Pour avoir un professionnel au jour d’aujourd’hui, c’est la croix et la bannière.
Ben tiens ! Il devait pas trop les bousculer non plus.

Quand il est sorti de la douche, elle lui a tendu un double des clefs.
– On risque d’être absents quatre-cinq jours. Alors hésitez pas, hein, venez vous doucher. Faites comme chez vous !

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