mardi 25 juin 2019

Clorinde, ma colocataire (35)


– Jamais ça baise ici ! Nulle part. C’est pas possible, ça.
Une heure, plus d’une heure qu’elle maugréait.
– Non, mais c’est vrai, quoi ! C’est pas la peine d’avoir des voisins si c’est pour jamais les entendre s’envoyer en l’air.
Elle a sorti son petit enregistreur de sous l’oreiller.
– Je vais te les mettre en appétit, moi, vous allez voir !
A tripatouillé les boutons.
– Je sais pas quoi choisir. Vu le nombre de fois où je me suis enregistrée… Décidez, vous !
– Il en faudrait un où t’es complètement déchaînée. Où tu maîtrises plus rien.
– Oui, ben c’est pas ça qui manque…
– L’autre jour, tu m’as parlé d’un fantasme tout récent. Que tu convoques souvent. Qui te met dans tous tes états.
– Et dans lequel vous intervenez, oui.
– Tu l’as ?
– Évidemment que je l’ai. Tout un tas de fois.
– Et c’est quoi, ce fantasme ? On peut savoir ?
– Ben oui ! Oui. Je vous l’avais dit que je vous le dirais.
– Alors je t’écoute…
– Vous vous rappelez la fois où on s’est branlés tous les deux, face à face, dans la cabine d’essayage, avec tous les gens autour ?
– Si je me rappelle !
– Vous avez voulu m’empêcher de crier quand je suis venue. Et je vous ai mordu un grand coup la main.
– Ah, ça, sûr que tu y es allée de bon cœur !
– Eh bien je recommence. C’est sans arrêt que je vous mords dans mes fantasmes. Encore dans une cabine, oui. Mais aussi au restaurant, quand je me suis bien excitée sous la table et que ça me déferle. À des tas d’autres endroits aussi. À la fac. À la piscine. J’imagine tout un tas de circonstances. Bien en détail. Avec des gens autour. Des fois je les connais. Des fois pas du tout. Mais toujours ça finit, au moment où je jouis, de la même façon. Je vous referme un grand coup les dents dessus.
– Et c’est systématiquement moi ton souffre-douleur ?
– Presque. C’en est d’autres des fois, mais je reviens toujours à vous. Parce que vous, ça a vraiment eu lieu. Je vous choque ?
– Oh, non, non ! Pas du tout, non ! Tu verrais tes yeux quand tu racontes…
– Je vais vous mettre un jour où j’y étais retournée toute seule à la cabine. Où je me l’étais fait, mais retenu. Frustrant. Où je m’étais dépêchée de rentrer du coup. Et où j’avais recommencé. Tout de suite. En imaginant que vous y étiez avec moi. Comme la fois en vrai.
Elle a enclenché.
On s’est tus.
Son souffle d’abord. Précipité. De plus en plus. Ses gémissements. En demi-teinte. Qui, très vite, ont pris de l’ampleur. Se sont, en quelques instants, transformés en cris de jouissance éperdue. Une tempête, un raz-de-marée de plaisir.
– Eh ben dis donc !
Elle m’a souri.
– Oui, hein ?
Elle a remis au début.
Et, cette fois, elle s’est accompagnée. De ses doigts en tournoiement frénétique sur son bouton, la tête renversée en arrière, les yeux mi-clos.
Elle est venue en même temps qu’elle. Je lui ai offert ma main. Elle y a planté énergiquement ses crocs. De toutes ses forces.
Quelque part, au-dessus, une femme a joui aussi. À longs sanglots libérés.

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