mardi 11 juin 2019

Clorinde, ma colocataire (33)


Bon alors qu’est-ce qu’on faisait ? On restait passer la nuit là ou on retournait là-bas ?
– Ce que tu veux. Tu choisis.
– Je suis partagée. Parce que c’est vrai qu’ici, chez vous, on a tout le confort. Et on est tranquilles. Pas de voisins à proximité immédiate. Mais, d’un autre côté, ça a aussi ses avantages, les voisins. Parce qu’on peut les entendre et ils peuvent nous entendre. Surtout au début, comme ça, c’est pas mal, moi, je trouve, de prendre ses marques. De savoir qui il y a, à droite, à gauche, au-dessus, en dessous. Si c’est des tout seuls. Ou si c’est des couples. S’ils s’engueulent. S’ils s’envoient souvent en l’air. Si elle braille comme une possédée, la fille, quand elle jouit. Enfin plein de trucs, quoi !
– Sans compter qu’il y a l’hôtel juste en face.
– En plus, oui !
– Bon, ben allez, en route alors !

On s’est pris des pizzas au passage. Des quiches. Des sodas.
– Tout ce qui va bien, quoi !
Et on s’est retrouvés, sur le palier, en compagnie d’un type brun, frisé, avec qui on a échangé un rapide bonjour et qui s’est engouffré dans l’appartement d’à côté.
– Vous voyez qu’on a bien fait finalement ! Parce que le mec de la fille de droite, on sait à quoi il ressemble comme ça, maintenant…
– C’est peut-être pas son mec… C’est peut-être juste UN mec.
– Qu’a les clefs ? Ça m’étonnerait. Oui, oh, de toute façon, dans un cas comme dans l’autre, il fera pas long feu. C’est le genre de nana qu’aime le changement. Ça se voit tout de suite, ça !

Elle a dévoré trois parts de pizza, assise sur le radiateur, en jetant de fréquents coups d’œil, par la fenêtre, sur ce qui se passait au-dehors.
– Bon, mais allez, il y a plus qu’à se coucher. Qu’est-ce vous voulez faire d’autre ?
Et elle s’est déshabillée.
– Heu… Clorinde…
– Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Je te signale quand même que les volets sont pas fermés, qu’il y a pas de rideaux et que t’es en pleine lumière.
– Oui, je sais. Et alors ? C’est l’hôtel en face. Ils sont de passage. Ils me connaissent pas et je les connais pas.
Elle a tranquillement continué. Le soutien-gorge. La culotte. Qu’elle a jetés sur une chaise.
– Alors s’il y en a qui veulent mater, qu’ils matent ! C’est pas moi que ça dérange. Et si leur légitime peut en profiter…
Elle a tourné, viré, entièrement nue, dans la pièce, farfouillant dans son sac, allant se servir un verre d’eau, vérifier que le verrou était bien mis, que le gaz était fermé.
Et elle venue se glisser dans le lit à mes côtés.
– Là… Et maintenant chuuut ! On écoute.
Il y avait de la musique, pas très fort, quelque part. Au-dessus, à droite, de l’eau coulait. Quelqu’un a crié. « Bon, cette fois, ça suffit, Mathias, tu vas te coucher… » À côté, il y a eu un murmure de voix. En sourdine.
– C’est du papier à cigarettes, les cloisons, là-dedans ! Je suis sûre que si on y collait l’oreille, on pourrait entendre tout ce qu’ils se disent.
– Et t’en crèves d’envie…
– Non, mais ça va pas ? Pour qui vous me prenez ? Enfin, si ! Quand même un peu…
– Beaucoup, oui, tu veux dire…
– Attendez ! Écoutez ! Il est juste de l’autre côté, leur lit. On est tête à tête.
– Aux premières loges en somme…
– Encore faudrait-il qu’ils y mettent un peu du leur…

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