mardi 4 juin 2019

Clorinde, ma colocataire (32)


Elle a débarqué chez moi en fin d’après-midi.
S’est affalée de tout son long sur le canapé.
– Hou là là ! Quelle purge !
– Tes parents ? Ça s’est mal passé ?
– J’en ai pris plein la tête. Mais ça, je m’y attendais. J’ai eu droit à tout. Non, mais comment je pouvais vivre dans un gourbi pareil ? « C’est pas comme ça qu’on t’a élevée, Clorinde, c’est pas du tout comme ça qu’on t’a élevée… » Et j’avais même pas de quoi me faire correctement à manger. « Tu te gaves de pizzas et de hamburgers, j’imagine ! Mais continue ! Continue bien à te détruire la santé ! Tu verras plus tard. » Et le lit ! Ah, le lit ! « Non, mais regarde-moi ça, Maxime ! Elle dort par terre, sur un matelas pneumatique. Comme si, avec tous les chèques dont on l’inonde, elle pouvait pas s’offrir une literie correcte. Quitte à la payer en trois ou quatre fois. Mais qu’est-ce tu fais de tout l’argent qu’on te donne, tu peux me dire ? »
– Oui. C’était ta fête, quoi !
– Mais la cerise sur le gâteau, c’est quand ils ont cru découvrir qu’il y avait un homme dans ma vie. Ben oui, forcément ! Deux serviettes de bain. Deux brosses à dents. Un rasoir. Et évidemment, pour eux, il pouvait y avoir qu’un marginal, un drogué, pour accepter de vivre dans des conditions pareilles. « Tu files un mauvais coton, Clorinde, un très mauvais coton. J’espère qu’au moins tu te protèges ? » C’est là que ça a dégénéré. Je faisais ce que je voulais avec mon cul. Ça les regardait pas. Et elle, elle est montée sur ses grands chevaux. « Si, ça nous regarde, si, figure-toi ! Parce que tu es complètement irresponsable, ma pauvre fille ! Tu l’as toujours été. À jouer les originales. À vouloir à tout prix te singulariser. Ce qui t’a mise maintes et maintes fois, permets-moi de te le rappeler, dans des situations impossibles. Dont il a fallu qu’on fasse des pieds et des mais pour te sortir. Alors il serait quand même grand temps que tu deviennes adulte, non, tu crois pas ? »
– Eh ben dis donc !
– Le risque, maintenant, c’est qu’ils déboulent tous les quatre matins.
– Ils habitent loin.
– Oui, oh, ben alors là, on voit que vous les connaissez pas. Surtout elle. Je l’entends d’ici. « Faut qu’on aille voir ce qu’elle fabrique. C’est notre fille quand même, Maxime ! On peut pas la laisser partir complètement à la dérive. » Et tralali et tralala… Et lui, même que ça le gave de prendre la route…
– Tu sais ce que je crois, moi, plutôt ? C’est qu’il va m’appeler, Maxime. Me demander d’avoir un œil sur toi. « Elle a vécu chez toi. Elle t’a à la bonne. Tu as une excellente influence sur elle. Alors si tu pouvais… Parce qu’elle nous inquiète, je t’assure. »
– Effectivement ! C’est pas impossible, ça, qu’il vous appelle.
– Sinon, s’il le fait pas, c’est moi qui le ferai.
– Et vous saurez trouver les mots. Là-dessus, je vous fais confiance. Bon, mais allez, assez parlé d’eux. Devinez où je suis allée après, quand ils ont été partis ?
– Voir Alexandra.
– Qu’était pas à sa caisse. Ni au café, en face. Par contre, il y avait une des filles de l’autre jour. Que j’ai rebranchée sur les médecines parallèles. Et, de fil en aiguille, je lui ai demandé si, par hasard, elle connaîtrait pas un bon magnétiseur. Parce que j’avais des migraines comme c’était pas possible depuis quelque temps. Ça me pourrissait la vie. Oh, mais un peu qu’elle en connaissait un. Un peu ! C’était le mari d’une collègue. Hyper doué. Il obtenait de sacrés résultats. Et toutes les autres autour de confirmer à qui mieux mieux. Il y en avait une, grâce à lui, elle avait arrêté de fumer. Une autre, c’était ses vertiges qu’il avait guéris. Une troisième, elle avait perdu huit kilogs. Bref, je me suis retrouvée avec l’adresse et le numéro de téléphone du type.
– Tu vas y aller ?
– Oh, sûrement, oui. Ne serait-ce que pour pouvoir aller leur en parler après. Comme vous voyez, je continue, peu à peu, à creuser le sillon. Et ce serait bien le diable si, au bout du compte…

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