mardi 12 mars 2019

Clorinde, ma colocataire (20)


– Et donc, c’est ici que vous venez…
– Entre autres, oui.
Accoudés à la rambarde, on a regardé monter, descendre, juste en-dessous de nous, en un flot ininterrompu, des dizaines, des centaines de femmes. Des jeunes. Des moins jeunes. Des blondes. Des brunes. Des rousses. Longtemps.
– Bon. Et vous faites quoi, planté là, au juste, si c’est pas indiscret ?
– Je m’imprègne. Je prends un bain de nanas. Des heures et des heures je peux y passer.
– Je vois ça, oui. Vous bandez ?
– De la queue, non. Mais dans ma tête, oui. Comme un forcené.
– Qu’est-ce qu’on se ressemble, tous les deux, hein, finalement !

– Viens !
– Où ça ?
– Je sais pas. Ça dépend pas de nous. Attends ! Ralentis ! Va pas si vite…
– Pourquoi ? Qu’est-ce que vous… ?
Elle a levé la tête.
– Ah, oui, d’accord ! On la suit, celle-là ! C’est ça, hein ?
C’était une petite brune, d’une trentaine d’années, les fesses enchâssées dans un pantalon de velours grenat qui les moulait au plus près.
– On la suit, oui.
– Pourquoi elle ? Parce qu’elle a un beau cul ?
– Pas seulement. Elle a une adorable petite gueule d’ange. J’ai vu tout-à-l’heure.
– En tout cas, elle le remue, son popotin, ce qu’il y de sûr ! Et pas qu’un peu !

La fille est sortie de la galerie marchande, a pris à droite, s’est arrêtée, en bordure de trottoir, en attendant que le feu passe au rouge.
Elle s’est résolument engagée sur le boulevard. On lui a emboîté le pas.
– Je me demande bien où elle va…
– Elle rentre peut-être tout simplement chez elle.
Coralie a fait la moue.
– M’étonnerait… Elle a rendez-vous quelque part. Sûrement. Ça fait plusieurs fois qu’elle regarde sa montre.
– Peut-être chez le médecin. Ou le dentiste. Ou le coiffeur.
– Ou le banquier. À moins que…
Elle s’est brusquement engouffrée dans un couloir, sur la gauche.
– Ah, ben d’accord !
– Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Je connais, là. J’ai une copine qui y travaillait à une époque. C’est la porte de derrière d’un l’hôtel dont la façade se trouve de l’autre côté, sur l’autre avenue. C’est bien pratique pour les couples qui veulent pas qu’on les voie ensemble. Chacun son entrée.
– Ce qui signifie…
– Qu’elle vient se faire tirer là en douce, oui, il y a toutes les chances.
– Et qu’elle est mariée.
– Ah, ben ça ! Elle se planquerait pas, sinon. En attendant, vous avez le coup, vous, dites donc ! En plein dans le mille. Bon, mais et maintenant ? Qu’est-ce vous voulez faire ?
– Il reste des chambres de libres, tu crois, là-dedans ?
– À trois heures de l’après-midi ? Sûrement que oui. Oh, mais c’est que ça presse, vous, on dirait, maintenant que vous vous êtes gorgé d’elle tout votre saoul. Eh, ben allez ! Je suis curieuse de vous voir à l’œuvre. D’autant qu’avec un peu de chance on sera pas loin d’elle et qu’on l’entendra miauler.

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