Elle
a repoussé son assiette, picoté des miettes du bout du doigt, posé
ses coudes sur la table.
– Dites-moi
un truc… Ça vous a plu tout-à-l’heure comme je vous l’ai fait
devant Emma ?
– Beaucoup,
oui.
– Je
sais pas. J’avais pas vraiment l’impression.
– Comment
ça ?
– Un
peu comme si vous auriez préféré vous le faire tout seul
finalement. À votre rythme à vous. En freinant, en accélérant, en
marquant des temps d’arrêt juste quand il le fallait dans votre
tête. Oh, mais vous pouvez le dire, hein ! Parce que moi aussi
c’est pareil, dans un sens. Quand c’est quelqu’un qui me le
fait, ce que j’aime, c’est l’idée que c’est quelqu’un qui
me le fait justement, mais en vrai, c’est jamais autant le top que
quand je suis aux commandes. Parce qu’on s’y prend pas comme
j’aurais envie, parce que c’est pas au moment où moi je l’aurais
fait qu’on me fait venir, parce que… bref, plein de trucs. Et je
suis sûre que pour vous, c’est un peu la même chose. Non ?
Je me trompe ?
– Tu
ne te trompes pas, non.
– Ah,
vous voyez ! N’empêche qu’il faut tout vous sortir au
forceps à vous, hein ! Parce que moi, je vous parle. Je vous
dis ce que je sens, ce que je pense, mes envies, tout ça, mais vous,
jamais. Faut que je devine. Faut que je suppute. Faut que je
conjecture. C’est comme les initiatives. C’est toujours moi qui
les prends. Et c’est pas marrant, à force, vous savez. Pourquoi
vous êtes comme ça ? À cause de moi ? Je vous bloque,
c’est ça ? Vous avez peur de me choquer ?
– Oh,
non. Non. Pas du tout. Non.
– Eh
ben alors ! Allez, racontez-vous ! Dites-moi ! Je vous
écoute.
– Qu’est-ce
tu veux savoir ?
– Tout.
Et puis tiens, d’abord, si vous en avez déjà eu des femmes.
– Évidemment !
Comme tout le monde.
– Non,
mais c’est pas ça que je vous demande. Que vous ayez déjà tiré
votre coup, j’me doute bien. Non, mais en couple. Vous avez déjà
vécu en couple ?
– Une
fois. Non, deux. Quelque mois ça a duré.
– Et
vous en êtes resté là. Vous avez pas réessayé. Pourquoi ?
– L’occasion
ne s’est pas présentée.
– Parce
que vous l’avez pas cherchée. Et je sais pourquoi.
– T’es
bien sûre de toi.
– Oui.
C’est parce que vous préférez mille fois mieux vous branler que
de coucher. Être dans votre imagination. Inventer des tas de
situations qui vous parlent. Alors vos deux femmes, là, elles vous
encombraient plutôt qu’autre chose. Vous aviez pas les coudées
franches. Et pas seulement parce qu’elles étaient demandeuses,
qu’elles voulaient que vous les sautiez quand vous aviez envie de
vous occuper vous-même de vous, mais aussi parce qu’elles
pouvaient vous gauler à tout moment, qu’elles auraient pas
compris, que ça les aurait vexées à mort. Sans compter qu’elles
vous entravaient dans vos expéditions. Ben oui ! Parce que je
suis bien tranquille que vous avez vos endroits. Où vous allez
secrètement faire provision d’images et de fantasmes. Où vous ne
pouviez plus vous rendre aussi facilement en les ayant par les pieds.
Alors quand on met tout ça bout à bout, pas étonnant qu’elles
aient fait long feu vos histoires de couple et que vous en soyez pas
d’y remettre le nez. Pourquoi vous riez ?
– T’as
une de ces façons de résumer les choses…
– C’est
pas vrai peut-être ?
– Dans
les grandes ligne, si !
– Ah,
vous voyez ! En attendant, en douce que comment vous avez
déteint sur moi ! Parce qu’avant, c’était deux ou trois
mecs par semaine qu’il me fallait. Au bas mot. Alors que depuis que
je suis ici avec vous…
– C’est
deux ou trois gratouilles par jour. Au bas mot.
Elle
a hoché la tête.
– Quand
c’est pas plus… Mais dites, vous m’emmènerez ?
– Où
ça ?
– Là
où vous vous les fabriquez vos fantasmes. Je vous ai bien emmené
dans la cabine d’essayage, moi !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire