mardi 5 février 2019

Clorinde, ma colocataire (15)

– Il m’a téléphoné. Ce matin. Aux aurores.
– Il a pas perdu de temps, dites donc ! Et alors ?
– Et alors je lui ai dit que je pouvais pas lui parler, que j’étais surbooké. De rappeler à six heures.
– Histoire que je sois rentrée. Que je puisse écouter. Vous êtes un amour.
Elle a jeté un coup d’œil à la pendule.
– Moins cinq. Il va pas tarder.
S’est fait un nid de coussins au creux du canapé.
– N’empêche… Vous vous êtes pas rendu compte, hein, hier soir !
– Que quoi ? Que tu t’es offerte à toi-même, après, dans ta chambre ? Si ! Bien sûr que si ! Tu étais même très expansive.
– Oui. Non, mais pas ça. Avant. Quand il était là. Sous la table, je me le suis fait. Pendant qu’il me posait toutes ces questions, là.
– Ça s’est absolument pas vu.
– Oui, oh, j’ai pas poussé le bouchon trop loin non plus. Juste quelques effleurements. En mode discrétion absolue. C’était trop tentant, attendez, de voir l’effet que je lui faisais. Je peux pas résister, moi, à ça. Et puis alors me dire que c’était devant lui, comme ça, en causant, et qu’il se doutait de rien…
Mon portable a sonné.
– C’est lui ?
C’était lui.
– Maxime ? Oui. Excuse-moi pour ce matin.
– Oh, c’est pas grave !
– Ça va ?
– Ça va, oui ! Sauf que je suis crevé. J’ai pas fermé l’œil de la nuit. Me demande pas pourquoi.
– Clorinde ?
– Ben, oui, Clorinde, oui. Une fille comme ça, tu peux pas rester insensible, attends, c’est pas possible.
– Ah, elle a du charme, hein !
– Du charme ! Elle est super canon, oui, tu veux dire…
– Sans compter qu’elle a tout plein de qualités par ailleurs.
– Je me demande comment tu fais. Je me demande vraiment comment tu fais. Vivre, comme ça, avec une nana de rêve, sous le même toit, sans que… Non, mais je deviendrais fou, moi ! Complètement fou. Me dis pas que… T’as quand même bien tenté ta chance, non ?
– J’ai vingt ans de plus qu’elle. Vingt-cinq, pour être précis.
– Qu’est-ce tu t’en fous de ça, tu parles !
– Mais elle, elle s’en fout peut-être pas.
– T’as qu’à y croire ! Un type qu’a un peu de bornes, elles apprécient toujours, les filles, à cet âge-là. Il y a de l’expérience. Il y a du savoir-faire. Ça les rassure. Ça les valorise. Et ça rend les copines jalouses. Non, si t’y vas pas, je monte au créneau, moi !
– Tu fais bien comme tu veux !
– D’autant que t’as entendu. Elle l’a dit. Elle pense qu’à s’amuser en ce moment. Ah, non, j’y vais, moi ! J’y vais ! Pas question de laisser passer une occasion pareille. J’en aurais du remords toute ma vie. Je peux compter sur toi ?
– Pour ?
– Me faciliter les choses. M’inviter aussi souvent que possible. Me laisser éventuellement seul avec elle. Essayer de savoir ce qu’elle a dans le ventre. La faire parler. Lui faire dire ce qu’elle pense de moi. Enfin tout, quoi ! Tout ce qu’est possible.
Elle m’a fait signe d’accepter.
– Tu peux compter sur moi.
– Merci. Je te revaudrai ça.

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