Elle
avait revêtu une délicieuse petite jupette verte dessus du genou.
Très largement dessus du genou. Enfilé un petit haut assorti qui
lui dessinait les seins au plus près. Et s’était fait une queue
de cheval qui lui battait la nuque. Le maquillage était discret,
tout en nuances et en harmonie avec sa tenue.
– Tu
es en mode conquête ?
– Non,
en mode climat subtilement sensuel.
– C’est
particulièrement réussi. Tu es ravissante.
– Merci.
– Et
tu vas où comme ça, si c’est pas indiscret ?
– Nulle
part et partout. Me promener, par les rues, au hasard.
– Et
cueillir des regards.
– Ben
oui, vous savez bien. Vous venez avec moi ? Vous m’avez promis
l’autre jour, vous vous rappelez ?
– Je
viens.
– Et
alors vous savez ce qui serait bien ? Ce serait que vous
marchiez un peu derrière moi. Pas trop loin. Mais pas trop près non
plus. Comme si on n’était pas ensemble. Vous verriez les réactions
derrière mon dos comme ça. Et, après, vous me raconteriez.
Seulement ceux dans vos âges. Ou même plus. Parce que ça
m’intéresse pas, les jeunes. Du moins pour ça. C’est trop
toujours pareil leurs réflexions. Et c’est d’un bête !
Non ? Ça vous dit pas ?
– Allez !
En route !
Elle
plaisait. Ça ne faisait pas l’ombre d’un doute. On l’admirait.
On la désirait. Le plus souvent discrètement. On détournait un peu
la tête, on jetait un coup d’œil intéressé à son délicieux
petit postérieur et on poursuivait sa route. Mais les regards
pouvaient aussi se faire plus insistants, la balayer longuement de
haut en bas et de bas en haut, à plusieurs reprises, avant de
l’abandonner, manifestement à regret.
Un
vieux monsieur m’a fait un clin d’œil et lancé un « Bonne
chance » au passage. Il était à l’évidence persuadé que
je la suivais et que j’allais monter à l’assaut.
Un
autre, entre deux âges, s’est tourné en soupirant vers son
compagnon…
– Il
y a des jours où on regrette vraiment de plus être célibataire.
Un
autre encore, la cinquantaine bien sonnée, s’est arrêté, a
hésité une fraction de seconde et lui a résolument emboîté le
pas. Il s’est rapproché, rapproché encore. A cheminé quelques
instants à ses côtés, tenté d’engager la conversation.
Elle
s’est retournée.
– Vous
venez ? Qu’est-ce que vous faites ?
Le
type s’est éclipsé.
– C’est
pas qu’il avait l’air d’être spécialement lourd, mais bon,
j’avais pas vraiment envie. Et puis, de toute façon, je sais
comment ça se serait fini : il aurait voulu coucher. Et ça,
c’est hors de question.
On a
fait quelques pas.
– En
attendant, qu’est-ce que j’en ai eu des regards ! Et des qui
valaient sacrément le coup.
Et
elle est tombée en arrêt devant un café aux grandes baies vitrées.
– On
rentre boire un coup là-dedans ? Que vous me racontiez, vous,
de ton côté…
L’arrière-salle
était presque déserte : un étudiant plongé dans ses
bouquins ; deux jeunes femmes qui discutaient à mi-voix ;
une autre qui faisait des mots fléchés.
On
s’est installés un peu à l’écart.
– Je
vous écoute !
Elle
m’a écouté. En suivant du regard, au-delà de moi, le mouvement
de la rue.
Sa
main a disparu sous la table. Ses yeux se sont embrumés. Son épaule
et son coude ont été pris d’un léger tremblement.
– Continuez !
Continuez !
Qui
s’est accentué.
Elle
a fermé les yeux et, de sa main libre, a saisi la mienne.
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