Pas question, pour elle, de zapper le bal du 14
juillet.
– Ah, non alors ! Tu te rends
compte que depuis que j’ai 15 ans j’en ai pas loupé un ?
Et on a écumé, toute l’après-midi durant, les villages
environnants. Jusqu’à ce qu’elle ait trouvé celui qui lui convenait. Qui lui en
rappelait un autre. De quand elle passait ses vacances chez sa grand-mère.
– J’étais amoureuse cette année-là, mais
amoureuse !
On y a un peu flâné. On y a dîné
– simplement – dans un ancien moulin transformé en auberge. Et
direction le théâtre des opérations.
Où on est arrivés les premiers. On a regardé les
musiciens s’installer, s’accorder. La salle se remplir.
– T’as vu ça ?
J’avais vu, oui. Je voyais. Il l’invitait le petit
jeune. La réinvitait. Il la lâchait pas.
Elle faisait tout un tas de va-et-vient entre lui et
moi.
– Il m’amuse. Tu te rends compte qu’il
a à peine vingt ans. Qu’il y a là tout un tas de filles de son âge mignonnes
comme tout. Eh ben non ! Non. C’est après une vieille comme moi qu’il en
a.
– Ce qui n’a pas l’air de te déplaire
vraiment.
Elle a vidé son verre d’un trait.
– Bon, mais j’y retourne.
Dans ses bras. Où elle s’est abandonnée. De plus en
plus. Il a posé ses mains au creux de ses reins. Sur ses fesses. Elle a laissé
sa tête aller contre sa poitrine. Leurs lèvres se sont cherchées. Se sont
jointes.
Elle est venue récupérer son sac. Ses yeux brillaient.
– M’attends pas ! Rentre à
l’hôtel. Je te rejoindrai là-bas.
Et ils se sont éclipsés dans la nuit, main dans la
main.
On a déjeuné dans la chambre.
– Alors ?
– Quoi « alors » ?
– C’était bien ?
Elle a souri.
– La curiosité est un vilain défaut.
Et consciencieusement fini de beurrer sa tartine.
– C’était plus que bien. Un garçon,
c’est plein de sève à cet âge-là. Ça l’a dure de chez dure. Et ça rechigne pas
à remettre le couvert. Non, et puis en plus…
– En plus ?
– Comment ça l’avait excité la
situation. De me draguer, là, sous tes yeux. De m’emporter, comme un butin, à
ton nez et à ta barbe.
– Je vois…
– Entre deux chevauchées, j’avais
droit à un feu roulant de questions. T’étais de mèche ou bien alors c’était que
t’avais pas ton mot à dire ? Que je faisais ce que je voulais ? Et
c’était déjà arrivé avant ? Et t’allais faire quoi, quand on allait se
retrouver ? Il y allait avoir explication ?
– Tu t’en es sortie comment ?
– Je lui ai raconté que c’était la
réponse du berger à la bergère. Que tu m’avais trompée. Que je m’étais fait
tirer l’oreille pour passer l’éponge. Pour ne pas demander le divorce. Et que
je ne m’y étais finalement résolue qu’à la condition de te rendre la pareille,
le jour où quelqu’un me taperait vraiment dans l’œil. Histoire que tu voies ce
que ça faisait. Que ça te serve de leçon.
– Tu as décidément une imagination
débordante. Et alors ?
– L’explication l’a convaincu. Il
était enchanté d’être l’instrument de ma vengeance. Une vengeance que, pour sa
part, il trouvait que je ne poussais pas assez loin. J’aurais dû t’imposer le
spectacle de mes ébats avec lui.
– Ben, voyons !
– J’ai trouvé l’idée excellente. Et
suggéré que ça pouvait n’être que partie remise. De toute façon, j’étais en
position de force. Si on divorçait, t’allais y laisser sacrément des plumes. Tu
étais obligé d’en passer par où je voulais. Il s’est fait pressant. « Oh,
oui, va ! J’aimerais trop ça devant lui ! On le fera, Tu veux
bien ? »
– Et tu as accepté.
– J’ai pas dit oui. Mais j’ai pas non
plus dit non. Je voulais d’abord t’en parler.
– La vraie question, c’est :
« Est-ce que ça te tente, toi ? »
– Je suis partagée. Bien sûr que j’ai
envie de t’avoir là, à côté, pendant. De te regarder me regarder dans les bras
d’un autre. De plus en plus. Je vais pas te mentir. Mais je m’étais faite à
l’idée que ce serait avec Benjamin. Et Benjamin, comme c’est parti, ben, c’est
pas demain la veille.
– T’as eu des nouvelles ?
– Non, justement. Et c’est bien ce qui
m’inquiète. Il prend ses distances. Je sens de plus en plus qu’il prend ses
distances. Il y en a une autre. Plus j’y réfléchis et plus je suis sûre qu’il y
en a une autre.
Et elle s’est enfuie dans la salle de bains. Pour que
je la voie pas pleurer.
Elle en est ressortie toute pimpante, ravissante dans
sa petite robe rose.
– S’il s’imagine, Benjamin, que tout
va tourner, pour moi, autour de sa petite personne, eh bien il a tout faux.
– Tu vas faire quoi ?
– Pour commencer, un petit tour au
café, là-bas. Vérifier si le barman est toujours dans d’aussi bonnes
dispositions à mon égard. Après, j’aviserai. En fonction de… Bon, eh bien j’y
vais.
Elle s’est retournée sur le pas de la porte.
– Je te propose pas de m’accompagner.
Tu comprends bien que j’ai besoin d’avoir les coudées franches.
Et elle m’a envoyé un baiser, du bout des doigts.
Les bords de la piscine étaient déserts. À l’exception
d’une jeune femme en maillot noir, couchée sur le ventre, qui paraissait
dormir. Je me suis installé de l’autre côté, juste en face et je l’ai regardée.
Scrutée. Elle était comment là-dessous ? J’aurais tant aimé savoir. Voir.
Est-ce qu’elle avait des lèvres exubérantes qui s’affichaient orgueilleusement
à l’extérieur ou bien est-ce qu’elles restaient bien sagement confinées à
l’abri de leurs grandes sœurs ? Et la toison ? Elle était là ou elle
l’avait éliminée ? Complètement ou seulement le pourtour du fendu ?
Et la couleur ? C’était quoi sa couleur ? Parce que celle des
cheveux, avec les femmes, on pouvait jamais savoir.
Elle s’est redressée. Assise. S’est mise à feuilleter
une revue.
Je lui ai voluptueusement palpé les seins. Du bout des
yeux. Les ai amoureusement remodelés. Elle se serait bien fichue de moi,
Alyssia. « Ah, ça, pour te repaître des nanas de loin, t’es très fort,
mais pour passer à l’acte ! » Oui, ben alors là, ce coup-ci, elle
allait voir ce qu’elle allait voir… Je me suis levé. Approché.
– Bonjour… Excusez-moi, mais, de
là-bas, j’ai vu que vous aviez tout un tas de revues. Ça vous ennuierait de
m’en prêter une ?
– Pas du tout, non !
Allez-y ! Servez-vous ! Et elle a poussé le paquet vers moi. Cinq ou
six magazines féminins au milieu desquels j’ai déniché un petit livret consacré
à l’arrière-pays niçois.
– Vous l’avez lu ?
– Parcouru.
– Et alors ?
– Franchement, ça n’apporte pas
grand-chose. C’est du basique. Vu, revu et rerevu.
– La région recèle pourtant une foule
de trésors subtilement discrets.
– Ah, ça, c’est sûr !
Il y a eu un petit trottinement derrière moi, sur le
dallage.
– Maman ! Maman ! Ça y
est ! On a déjeuné.
Deux gamins. Un garçon et une fille. Et, un peu plus
loin derrière, le père.
Je me suis discrètement éclipsé.
Mince ! j'y ai cru moi.
RépondreSupprimerLui aussi! ;) Mais ce n'est peut-être que partie remise.
SupprimerPeut-être…
Elle ne le ménage pas quand-même . Et il a l'air de s'en taper royalement.
RépondreSupprimerAprès tout, si ça lui convient ....
Il faut bien que, d'une façon ou d'une autre, ça lui convienne. Et, d'un autre côté, pas du tout.
SupprimerSi ça ne lui convenait pas, il serait parti. Non?
SupprimerElle passe maintenant son temps à baiser avec d'autres. Le soir, la nuit, l'après-midi. Ils ne se voient qu'au petit dej.
Il pourrait prendre une autre chambre. Elle ne s'en rendrait pas compte.
Ils passent quand même beaucoup de temps ensemble et ils sont psychologiquement très présents l'un à l'autre.
SupprimerOh bah moi aussi j'y ai cru...
RépondreSupprimerIl y a encore 20 épisodes. Alors, il peut s'en passer des choses!
Supprimer20 épisodes. Mais comment faites-vous ?
RépondreSupprimer20 épisodes qui sont bouclés et programmés, oui. Comme la fin reste relativement ouverte, je ne sais pas encore s'il y aura ultérieurement une suite ou pas. Pour l'heure, j'ai commencé une autre histoire qui viendra, après celle-ci, prendre place sur ce blog.
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