lundi 20 avril 2015

Journal d'Amerina (2)

Mardi 4 janvier 2084


C’est dans sa maison que j’habite. Dans sa chambre que je dors. Dans sa vaisselle que je mange. Trois femmes vivaient sous son toit. Trois compagnes partagent mon existence. Pour notre plus grande satisfaction à toutes les quatre. Tout est harmonieux. Serein. Pas de jalousies. Pas de mesquineries. Chacune a trouvé sa place et l’occupe sans jamais empiéter sur celle des autres.

Célienne a vingt-quatre ans. Tout comme moi. Elle est très tactile. Il lui faut de la présence. De la chaleur humaine. De la tendresse. C’est très souvent qu’elle me rejoint dans mon lit, la nuit. Elle me picore d’une multitude de petits baisers, m’enlace et se rendort. Joue contre joue. Seins contre seins. Cuisses contre cuisses.
On a viscéralement besoin d’être ensemble. De se promener, de longues heures durant, main dans la main, le long des avenues. De se parler. De se faire nos confidences. De se dire nos rêves et nos projets. De se perdre dans d’interminables fous rires.
Elle finit toujours par y venir :
– C’était comment le temps d’avant ? Raconte !
Je lui dis. Les classes mixtes. Les mariages des hommes et des femmes. La nourriture qui poussait dans la terre. Tant d’autres choses…
Elle m’écoute, bouche bée, les yeux écarquillés.
– C’est vrai ? T’inventes pas ?
– Bien sûr que c’est vrai !
– C’est fou ! C’est complètement fou. Comment tu sais tout ça ?
– Mais parce que… C’est là-dessus que je travaille…
Son métier à elle, c’est la cuisine. C’est également sa passion. À la maison elle passe des heures et des heures aux fourneaux. Je l’y rejoins. J’adore la regarder faire. Malaxer la pâte. Humer une sauce.avec délectation. Goûter une crème d’une lèvre gourmande. Je n’y résiste pas. Je la prends dans mes bras. Veux l’embrasser…
– Non… Attends ! Ça va attacher…
Je n’attends pas. Elle s’abandonne. Faire l’amour avec elle est toujours très doux. Très paisible. En caresses légères. Aériennes. C’est un plaisir à fleur de peau. En cascade de frémissements. En frou frou de câlins.

Marvine, elle, a quarante-huit ans. Le double de nous. Et transpire la sensualité de partout. Tu la vois, tu croises son regard, tu effleures sa peau et – aussitôt– te voilà folle de désir. S’il y a quelqu’un dans les bras de qui je connais l’extase absolue, c’est bien Marvine. Je donnerais tout pour ça. Pour ces moments-là. Je veux. Je veux encore. Ce n’est jamais assez…
– Mais tu es insatiable !
Je le suis, oui. Et je lui rends la monnaie de sa pièce. Comme elle aime. Avec des godes. Devant. Derrière. Elle n’a du plaisir qu’avec quelque chose dedans Marvine. Uniquement. Et je ne peux pas m’empêcher de me poser des questions. Parce qu’elle travaille dans un centre. À l’insémination. Son rôle consiste à recueillir le sperme des donneurs sélectionnés et à le conditionner en attendant qu’on en ait besoin. Ils s’occupent généralement eux-mêmes d’eux-mêmes, mais il lui arrive aussi, de son propre aveu, de « donner un coup de main ». Du coup, quand je vois quel fabuleux plaisir elle prend à être pénétrée, je me dis qu’elle a probablement été tentée d’utiliser l’un ou l’autre d’entre eux de façon beaucoup plus approfondie. Forcément. Même si c’est rigoureusement interdit. Je ne lui pose pas la question. Elle en parlera si elle veut. Quand elle le voudra. Au moment qu’elle aura choisi.

C’est Raliette la plus âgée de nous toutes. Et de loin. Soixante-douze ans. Elle travaille toujours. Elle est chercheuse. De haut niveau. Son boulot, c’est sa vie. Mais je serais bien en peine de dire en quoi il consiste. J’ai d’ailleurs fini par renoncer à le lui demander. Trop compliqué pour moi. Si j’ai bien compris, elle travaille sur les ondes PG332 et serait sur le point de faire, avec son équipe, une découverte de la plus extrême importance. Dont elle ne peut encore rien dire. Elle n’a pas pour autant la tête en permanence dans ses équations. Bien au contraire. Elle est là. Avec nous. Très présente. Et, s’il y a quelqu’un qui n’engendre pas la mélancolie, c’est bien Raliette. Elle mime. Elle imite. Elle parodie. On s’offre de ces crises de fou rire toutes les quatre. À en avoir mal aux côtes. Elle n’est pas, par contre, particulièrement portée sur le sexe. Ou plutôt… c’est pas qu’elle soit pas portée dessus, c’est plutôt que c’est pas souvent… Tous les deux ou trois mois. Mais quand ça lui arrive, ça a tout du raz de marée. Elle est déchaînée. Et on n’est pas trop de trois pour la satisfaire. Ensemble. Elle adore. Et on s’y prête de bonne grâce…

2 commentaires:

  1. Hé bien hé bien. Je sens que je vais apprendre des choses...

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  2. Il y a longtemps que je n'avais pas mis le nez dans "Amerina". Le relire me donne envie de le reprendre, mais j'ai déjà tant de choses en route par ailleurs!

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