dimanche 26 avril 2015

Journal d'Amerina (4)

Samedi 8 janvier 2084


– Tu dors pas ?
Elle dormait pas Célienne. Non.
– Il y a des trucs que je me demande…
– Quoi comme trucs ?
– C’était quoi au juste un couple à l’époque d’avant ? Parce que, quand je lis là-dessus, ça dit pas toujours pareil…
– Deux personnes qui vivaient ensemble…
– Tout le temps ?
– Pratiquement…
– Que toutes les deux ?
– Dans la plupart des cas, oui…
– Mais c’est horrible !
– Pourquoi horrible ?
– Mais parce que… Je t’adore… Je t’adore vraiment… Mais Marvine aussi… Et Raliette… Si je devais me passer de l’une d’entre vous… Je pourrais pas… Un vrai crève-cœur ce serait… Vous m’apportez toutes quelque chose… Quelque chose d’unique… Que personne d’autre peut m’apporter… D’autres filles aussi… Là-bas, au boulot… Ou ailleurs… La même personne ? Toute la journée ? Toute la vie ? C’est pas possible… C’est impossible… Ils y arrivaient ? Ils y arrivaient vraiment ?
– Plus ou moins…
– Et plutôt moins que plus, non ? Forcément… Je vois pas comment ça aurait pu être autrement… Surtout qu’en plus, si j’ai bien compris, c’était avec des hommes qu’elles se mettaient en couple les femmes des fois…
– Pas des fois… Le plus souvent… Presque toujours…
– Drôle d’idée ! Parce qu’après ce qu’elle nous a raconté hier Raliette ça donne pas vraiment envie…
– Ils étaient pas tous comme ça…
– Quand même…
– Elles avaient pas vraiment le choix… À l’époque, dans l’immense majorité des cas, c’est comme ça qu’ils se faisaient les enfants… Un homme avec une femme…
– C’est à dire que les gènes s’appariaient complètement au hasard, quoi ! N’importe lesquels avec n’importe lesquels… C’était complètement idiot… D’autant que s’il en avait plusieurs des enfants, le couple, c’étaient toujours les mêmes gènes qui se retrouvaient entre eux… Ça tournait indéfiniment en rond… Heureusement qu’aujourd’hui on en est plus là… Ils étaient quand même sacrément arriérés à l’époque, avoue !
– C’était leur façon de voir les choses…
– Oui… En fait une nana elle se mettait avec un homme juste pour avoir des enfants, quoi !
– Pas seulement… Des fois il y avait des sentiments…
– Des sentiments ? Pour un homme ? Je vois pas comment elles pouvaient… Ils sont bien trop différents de nous…
– Et pourtant…
– C’est un truc, j’ai vraiment du mal à réaliser… De quoi tu veux parler avec un homme ? Qu’est-ce tu veux partager ? Ils s’intéressent à rien… Ils connaissent rien… Suffit de regarder un reportage… Tout de suite on se rend compte…
– Ça a pas toujours été comme ça… Quand le virus est arrivé, en 2034, t’en avais qu’étaient médecins, professeurs, avocats, chercheurs… Exactement les mêmes métiers que nous ils exerçaient… Et il y en avait d’extrêmement brillants…
– Ben, ça a bien changé…
– Et pour cause… Ils ont baissé les bras… Ils se sont laissé vivre… Quand on est confiné dans un centre dont on ne sait pas si on en sortira un jour… Sans but… Sans perspectives… on finit par baisser les bras… Par se laisser vivre… Sans plus de goût à rien… On aurait peut-être fait la même chose… Sûrement même…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire