Samedi 8 janvier 2084
– Tu
dors pas ?
Elle
dormait pas Célienne. Non.
– Il
y a des trucs que je me demande…
– Quoi
comme trucs ?
– C’était
quoi au juste un couple à l’époque d’avant ? Parce que,
quand je lis là-dessus, ça dit pas toujours pareil…
– Deux
personnes qui vivaient ensemble…
– Tout
le temps ?
– Pratiquement…
– Que
toutes les deux ?
– Dans
la plupart des cas, oui…
– Mais
c’est horrible !
– Pourquoi
horrible ?
– Mais
parce que… Je t’adore… Je t’adore vraiment… Mais Marvine
aussi… Et Raliette… Si je devais me passer de l’une d’entre
vous… Je pourrais pas… Un vrai crève-cœur ce serait… Vous
m’apportez toutes quelque chose… Quelque chose d’unique… Que
personne d’autre peut m’apporter… D’autres filles aussi…
Là-bas, au boulot… Ou ailleurs… La même personne ? Toute
la journée ? Toute la vie ? C’est pas possible… C’est
impossible… Ils y arrivaient ? Ils y arrivaient vraiment ?
– Plus
ou moins…
– Et
plutôt moins que plus, non ? Forcément… Je vois pas comment
ça aurait pu être autrement… Surtout qu’en plus, si j’ai bien
compris, c’était avec des hommes qu’elles se mettaient en couple
les femmes des fois…
– Pas
des fois… Le plus souvent… Presque toujours…
– Drôle
d’idée ! Parce qu’après ce qu’elle nous a raconté hier
Raliette ça donne pas vraiment envie…
– Ils
étaient pas tous comme ça…
– Quand
même…
– Elles
avaient pas vraiment le choix… À l’époque, dans l’immense
majorité des cas, c’est comme ça qu’ils se faisaient les
enfants… Un homme avec une femme…
– C’est
à dire que les gènes s’appariaient complètement au hasard,
quoi ! N’importe lesquels avec n’importe lesquels… C’était
complètement idiot… D’autant que s’il en avait plusieurs des
enfants, le couple, c’étaient toujours les mêmes gènes qui se
retrouvaient entre eux… Ça tournait indéfiniment en rond…
Heureusement qu’aujourd’hui on en est plus là… Ils étaient
quand même sacrément arriérés à l’époque, avoue !
– C’était
leur façon de voir les choses…
– Oui…
En fait une nana elle se mettait avec un homme juste pour avoir des
enfants, quoi !
– Pas
seulement… Des fois il y avait des sentiments…
– Des
sentiments ? Pour un homme ? Je vois pas comment elles
pouvaient… Ils sont bien trop différents de nous…
– Et
pourtant…
– C’est
un truc, j’ai vraiment du mal à réaliser… De quoi tu veux
parler avec un homme ? Qu’est-ce tu veux partager ? Ils
s’intéressent à rien… Ils connaissent rien… Suffit de
regarder un reportage… Tout de suite on se rend compte…
– Ça
a pas toujours été comme ça… Quand le virus est arrivé, en
2034, t’en avais qu’étaient médecins, professeurs, avocats,
chercheurs… Exactement les mêmes métiers que nous ils exerçaient…
Et il y en avait d’extrêmement brillants…
– Ben,
ça a bien changé…
– Et
pour cause… Ils ont baissé les bras… Ils se sont laissé vivre…
Quand on est confiné dans un centre dont on ne sait pas si on en
sortira un jour… Sans but… Sans perspectives… on finit par
baisser les bras… Par se laisser vivre… Sans plus de goût à
rien… On aurait peut-être fait la même chose… Sûrement même…
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