mardi 30 juin 2020

Hébergement d'urgence (16)

La porte de ma chambre s’est entrebâillée. Ouverte. La lumière crue du couloir. Sa silhouette, en chemise de nuit vaporeuse, s’est découpée dans l’encadrement de la porte.

– Vous êtes en train de vous le faire, hein ?

Elle s’est approchée.

– Ben oui, forcément que vous vous le faites. Après une soirée comme ça !

Accroupie au bord de mon lit.

– Je peux voir ? Puisque c’est pour moi…

J’ai repoussé drap et couverture.

– Elle est toute luisante.

Elle s’est penchée.

J’ai repris mon mouvement de va-et-vient. Avec emportement. Avec frénésie.

Et c’est venu. Très vite. Presque tout de suite. À longues saccades haletantes.

– Qu’est-ce qu’il y en a !

Elle est restée là, quelques instants, à mes côtés.

– Elle retombe pas vraiment. Pas complètement.

S’est relevée, comme à regret.

– À demain.

Éloignée. Retournée sur le pas de la porte.

– Bientôt vous pourrez me voir comme vous avez envie. Très bientôt.

* *

*

– Je te laisse… J’ai deux ou trois courses à faire…

– Allez-y ! Allez-y ! Je vais assurer…

– Oui, oh, alors ça, j’ai pas la moindre inquiétude là-dessus.


Quand je suis revenu, deux heures plus tard, elle était hilare.

– Vous savez quoi ? Elle est revenue, l’autre. À peine j’avais ouvert, elle était là. Et alors vous auriez vu ce tableau ! Le mini short bien profondément enfoncé dans la raie, le nombril à l’air et le nibard conquérant. Ah, sûr que c’est pas sur moi qu’elle comptait tomber.

– Et alors ?

– Alors je l’ai foutue dehors.

– T’as pas fait ça ?

– Si ! Avec perte et fracas. Mais non, oh ! Faites pas cette tête-là ! Vous me prenez pour une idiote ? Non. Bien sûr que non. J’ai engagé la conversation. Dans le registre la fille sympa comme tout. Une bonne petite bavette on s’est tapée toutes les deux. Et je sais plein de trucs sur elle, du coup. Qu’elle a travaillé dans une parfumerie. Qu’elle est au chômage. Que son mec l’a larguée il y a trois semaines. D’autres choses aussi. Sans intérêt. Et évidemment, de fil en aiguille, elle a fini, mine de rien, par amener le sujet sur vous. Et par poser, avec mille précautions, après avoir longtemps tourné autour du pot, la question qui lui brûlait les lèvres. Est-ce qu’entre vous et moi, il y aurait pas, par hasard ? J’ai fait semblant de pas comprendre. « Il y aurait pas quoi ? ». « Ben… » Avec un petit sourire complice. « Ah ! » J’ai éclaté de rire. Oui, ben alors là, il y avait pas de risques ! Pas le moindre. Parce que vous étiez homo de chez homo. Jusqu’au blanc des yeux. Une nana, avec vous, elle avait pas le moindre début de commencement de chance de vous mettre dans son lit.

– Tu manques pas d’air, toi !

– Ben, quoi ? Au moins, comme ça, maintenant elle va nous foutre la paix.

– Oui, mais enfin…

– C’est pas complètement faux, n’importe comment. Vous y avez bien mis le nez, un jour, non ?

– Oui, mais de là à faire de moi un inconditionnel de la chose…

– Vous m’avez pas vraiment raconté d’ailleurs.

– Raconté quoi ?

– Comment ça s’était passé, ce jour-là, avec votre ami. J’adore ça, moi, les histoires de mecs entre eux. Et pas que les histoires, d’ailleurs. Vous me direz ?

– Si tu veux… Si tu y tiens…

– Mais pas ici. Pas maintenant. Ce soir, quand on aura fermé. Qu’on sera au calme.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire