mardi 16 juin 2020

Hébergement d'urgence (14)

Elle n’était plus en noir, la fille, cette fois-ci, mais en vert. Elle a jeté un rapide coup d’œil sur Coralie, occupée avec deux clientes infectes à l’autre bout du magasin, là-bas, et elle est venue droit sur moi, à la caisse.

– Vous auriez pas besoin d’une deuxième vendeuse, par hasard ?

Ben non, non ! Une me suffisait.

– Dommage ! Parce que c’est pas tous les patrons qui laissent leurs employées s’envoyer en l’air, pendant les heures de boulot, dans les cabines d’essayage.

Elle ne m’a pas laissé le temps de lui répondre quoi que ce soit. Elle s’est faufilée entre les portants.

– Je jette un œil…

A fait sa réapparition, un peu plus tard, avec un petit haut rose sur le bras.

– Je peux essayer ?

Dans la cabine juste en face de la caisse, dont elle n’a pas pris la peine de tirer le rideau. Elle a retiré son pull. De profil. Elle n’avait rien en dessous.

Coralie est revenue, excédée.

– Le mètre… Il est où, le mètre ?

A ouvert un tiroir… Un autre.

– Elles vont me rendre folle, ces deux cinglées, folle !

Elle a relevé la tête, vu la fille dans la cabine, marmonné entre ses dents

– Non, mais ça va, tranquille, l’autre !

Et elle a filé, en toute hâte, vers ses deux casses-pieds.

« L’autre » s’est longuement examinée dans la glace, s’est ajustée, réajustée. A fait quelques pas dans ma direction.

– Qu’est-ce vous en pensez ? Il me va, non ?

– À la perfection.

– Oui. Je crois aussi. Je vais le prendre.

Et elle est retournée se changer. De face, cette fois. Tranquillement. En prenant tout son temps. Et en me laissant, à moi, celui de contempler tout à loisir deux petites merveilles de seins en poires délicieusement bronzés.

Elle a repris sa carte bleue.

– Merci.

Paru hésiter.

– Vous êtes sûr que vous avez besoin de personne ?

– Certain.

– Si jamais vous changez d’avis, pensez à moi. Je repasserai n’importe comment.

* *

*

– La salope ! C’est pas vrai qu’elle vous a dit ça ? Non, mais quelle salope !

Elle se coupait les ongles des orteils, assise sur une chaise dans la cuisine, nue, la jambe gauche pliée relevée haut, le talon bien calé contre la fesse, la joue posée sur le genou.

– Elle veut me piquer ma place, quoi, en fait !

– Je crois pas, non ! Plutôt se faire aussi embaucher.

– Tu parles ! Ça se voit tout de suite qu’il y a pas besoin de deux vendeuses dans votre machin. Non, c’est clair comme de l’eau de roche où elle veut en venir. Et quand je pense qu’elle vous a carrément balancé ses nibards sous le nez ! Faut vraiment être prête à tout, hein !

Elle a ramené sa jambe droite au large sur le côté, ce qui a délicieusement entrebâillé sa petite encoche d’amour, m’a laissé longuement entrevoir ses pétales rosés.

Elle a relevé la tête.

– Qu’est-ce vous allez faire ?

– Comment ça ?

– Vous allez l’embaucher ?

– Sûrement pas, non.

– Je sais pas. Ce genre de nanas, quand elles veulent quelque chose, elles finissent toujours par l’obtenir.

– Pas forcément.

– Oh, si ! Elle va pas vous lâcher. Elle va revenir. Elle va vous faire du rentre-dedans comme c’est pas permis. Vous êtes un mec. Et elle a l’attrait de la nouveauté pour vous. En plus !

Elle a changé de pied. De jambe. Ça la lui a fait bâiller un peu plus encore. En replis feuilletés. En anfractuosités dentelées.

– Mais si elle s’imagine que je vais lui abandonner le terrain comme ça ! Alors là, elle a tout faux. Je vais me battre.

– T’auras pas besoin.

Elle m’a jeté un regard tout à la fois lumineux et sceptique.

– C’est vrai ?

– Bien sûr que c’est vrai.

Je me suis penché pour lui déposer un baiser sur le front.

– Te prends pas la tête pour ça.

Elle m’a retenu, les deux bras passés autour de mon cou.

– Même si j’ai pas toujours l’air, je tiens beaucoup à vous, moi, tu sais !



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