mardi 21 avril 2020

Hébergement d'urgence (6)


Au petit matin, on s’est croisés, lui et moi, dans le couloir.
– J’y vais. Je bosse…
– Même pas le temps d’un petit café ?
– Vite fait alors !
Il a longuement tourné sa cuiller dans sa tasse.
– Sacrée nana, cette nana, hein !
Ah, ça, il pouvait le dire !
– J’y croyais pas au début qu’il y avait rien entre elle et vous. Je me disais que c’était pas possible.
– Et pourtant…
– Je sais, oui ! Elle m’a expliqué. Mais comment ça doit pas être facile pour vous ! Une fille super bien roulée comme ça… Avec qui vous passez toutes vos journées. Et vos soirées. Me dites pas que vous avez pas envie.
Je le disais pas, non ! Mais bon ! Elle avait été très claire là-dessus. C’était hors de question. J’étais trop vieux pour elle.
Il a haussé les épaules.
– C’est pas que je veuille vous jeter dans ses bras, loin de là ! Mais enfin elle peut changer d’avis, on sait jamais…
J’ai froncé les sourcils.
– Ah, oui ? Qu’est-ce qui vous fait penser ça ? Elle vous a dit quelque chose ? Parlé de quelque chose ?
– Oh, non, rien de spécial, non ! Une impression comme ça… Hou là ! Sept heures déjà ! Faut que j’y aille ! Faut vraiment que j’y aille…

Quand Coralie a surgi au magasin, la matinée était déjà largement entamée.
– Je suis désolée. Je me suis rendormie.
– C’est pas un drame…
– Oh, ben quand même ! Vous me payez et moi…
– T’en as bien profité ?
Son visage s’est éclairé.
– Oh, oui, alors !
– Le fameux cunni ?
– Bien sûr, oui ! Ça, bien sûr ! Mais pas seulement…
– Pas seulement ?
Elle a baissé la voix.
– Oui… Parce que les mecs, il se fait tout un foin sur la longueur de leur queue. C’est pas la question, la longueur. On s’en fout de la longueur. Non, ce qui compte, c’est l’épaisseur. Que tu te sentes toute bien remplie. Et là, avec Baptiste, je suis servie. Il y a du calibre. Et comme, en plus, il sait super bien s’en servir, je vous raconte pas…
Elle a suivi des yeux un couple qui passait, sur le trottoir.
– Non, la seule chose que je me demande, vu comment il est monté, c’est ce que ça donnera si, un jour, ça le toque de venir me rendre visite derrière. Mais enfin ça, on verra. On n’en est pas encore là…

Il y avait un autre problème dont elle m’a entretenu un soir, alors que, comme souvent, nous nous attardions à table.
– C’est qu’il a une copine, j’parie !
– Non. Plusieurs. Et il s’en cache pas. Bon, mais ça, je me vois mal le lui reprocher : je fais pareil. Enfin, pas pour le moment, j’ai que lui, mais ça me reprendra, je me connais. Parce qu’il y a des mecs, quand tu les rencontres, tu peux pas t’empêcher d’avoir envie de les essayer.
– Du moment que vous êtes au clair tous les deux là-dessus…
– On l’est. Il y a pas de souci. On l’est. Sauf que si je lui apporte pas quelque chose que les autres lui apportent pas, s’il trouve exactement la même chose ailleurs, il y aura aucune espèce de raison qu’il me garde. Et ça, j’ai pas du tout envie. C’est trop le pied, attends, avec lui. Non, faut absolument que j’aie un plus. Absolument.
– Oui, mais quoi ?
– C’est bien là, toute la question, quoi ?

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