mardi 14 avril 2020

Hébergement d'urgence (5)


J’ai raccompagné la cliente jusqu’à la porte du magasin.
– Et si jamais il y a quelque souci que ce soit, n’hésitez pas ! Revenez ! On vous fera les retouches nécessaires.
Coralie a attendu qu’elle ait traversé la rue, disparu.
– Ben, voyons !
– Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qui te fait rire ?
– Non, rien.
– Mais si, dis !
– Pourquoi vous me l’avez pas laissée, celle-là ?
– Ça s’est trouvé comme ça.
– Tu parles ! Vous me l’avez carrément arrachée des mains, oui ! Ah, elle vous plaisait bien, hein, avouez !
– Mais non, mais…
– Bien sûr que si ! Vous imaginez quoi ? Que ça se voit pas ? Alors là ! Quand vous prenez votre petite voix toute caressante comme ça… Je commence à vous connaître depuis le temps… Et puis il y a pas que ça ! Elle vous faisait bander, j’ai bien vu. Et pas qu’un peu !
– Hein ? Je…
– Vous, quoi ?
– Elle s’en est aperçue, tu crois ?
– Qu’est-ce que vous voulez que j’en sache ? Mais sûrement ! C’était vraiment pas discret. De toute façon, vous, quand ça vous arrive, on peut pas dire que ça fasse semblant. Oh, mais tirez pas cette tête-là ! Quand elle est pas trop mal foutue, une nana, c’est à longueur de journée qu’il y a des types qui lui bandent dessus. Et alors ? C’est plutôt flatteur, non ? Moi, en tout cas, je sais que j’aime bien leur faire de l’effet aux hommes. À condition qu’ils restent dans les clous. Qu’ils m’embêtent pas avec ça, parce que sinon… Mon téléphone ! C’est lui ! C’est Baptiste.
Et elle a disparu en réserve.

Quand elle en est revenue, une demi-heure plus tard, elle avait quelque chose à me demander.
– Eh bien, vas-y ! Quoi donc ?
– Vous allez jamais vouloir…
– Dis toujours !
– Il pourrait pas venir, ce soir, Baptiste ?
– Et pourquoi il pourrait pas ?
– Parce qu’on bosse demain et que, s’il passe la nuit ici, je risque de pas avoir les yeux en face des trous. Ni vous non plus d’ailleurs.
– C’est pas pour une fois…
– C’est vrai ? Je peux alors ? Oh, merci. Merci. Vous êtes un amour. Je vous revaudrai ça.

Et j’ai fait la connaissance du fameux Baptiste. Qui s’est montré, ma foi, un hôte fort agréable, mais de la conversation duquel Coralie ne m’a malheureusement pas laissé très longtemps profiter. Elle s’est empressée, aussitôt la dernière bouchée avalée, de l’entraîner dans sa chambre.
Et ça n’a pas perdu de temps. À peine y étaient-ils réfugiés depuis cinq minutes qu’elle poussait ses premiers soupirs, qu’elle balbutiait ses premières plaintes. J’ai fermé les yeux et j’ai imaginé : la tête de Baptiste entre ses cuisses. Sa langue, ses lèvres. Qui ont couru le long de ses replis secrets. Qui se sont insinuées au cœur de ses anfractuosités moirées. Qui se sont voluptueusement repues de ses liqueurs océanes. Qui ont fait gonfler son bouton. Qui l’ont fait longuement rouler…
– Oh, Baptiste ! Oh, Baptiste !
Ses mains à elle dans ses cheveux à lui. Sa jouissance éperdument déferlée.
Tant de reconnaissance dans ses yeux.
Il y a eu des mots murmurés tendre. Des baisers claqués. Du silence. Encore des mots.
Et puis ça a recommencé. Encore et encore. Jusqu’au bout de la nuit.

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