En début d’après-midi, je l’ai aperçue, de l’étage, qui
bronzait au bord de la piscine. Ma voisine de chambre. Oui, c’était
elle. C’était bien elle. Seule.
J’ai
enfilé mon maillot de bain, je suis descendue, je me suis approchée.
– Excusez-moi !
Elle est libre, cette chaise longue, là, à côté ?
Elle
m’a fait signe que oui. Oui. Je m’y suis installée. Je me suis
offerte voluptueusement au soleil, avec un long soupir de
satisfaction.
– Qu’est-ce
qu’on est bien !
– Ah,
ça, vous pouvez le dire !
Un
long moment de silence. Le chant des oiseaux. Celui des cigales.
– Et
puis qu’est-ce qu’il est calme, cet hôtel !
Je
me suis tout aussitôt reprise.
– Enfin,
dans la journée ! Parce que la nuit…
Avec
un petit sourire entendu.
Elle
est entrée dans le jeu.
– La
nuit ?
– La
nuit, oui. Vous n’avez pas entendu ? Ah, il y en avait deux,
ça donnait ! Et ça a été quasiment non-stop. Faut dire que
j’étais aux premières loges aussi.
– Vous
avez quelle chambre, si c’est pas indiscret ?
– La
112.
– Et
moi, la 114.
J’ai
feint la surprise.
– Ah,
ben d’accord !
Et
on a éclaté de rire.
– On
vous a empêchée de dormir, du coup. Je suis désolée.
– Oui,
oh, pour être tout à fait honnête, c’était pas si désagréable
que ça.
Elle
m’a jeté un petit regard complice.
– Ah,
ben on pourra recommencer alors !
– Quand
vous voudrez. Et tant que vous voudrez…
– C’était
bien notre intention.
– Il
y a pas longtemps que vous êtes ensemble, hein ?
– Dix
ans.
– Dix
ans !
– Oui,
enfin, c’est un peu plus compliqué que ça. Disons que,
parallèlement, on est mariés. Chacun de son côté. Côté cul, mon
conjoint n’est pas un foudre de guerre. Quant à sa femme à lui,
c’est encore pire. Il y a droit tous les tournants de lune. Alors,
quand on a l’occasion de se retrouver tous les deux, Théo et moi,
on s’éclate comme c’est pas possible.
– J’ai
vu ça. Entendu plutôt.
– Malheureusement
des occasions, on n’en a pas aussi souvent qu’on voudrait. Là,
ça faisait trois ans, plus de trois ans, qu’une opportunité ne
s’était pas présentée. Alors faut qu’on se rattrape. Et vous ?
– Moi ?
– Vous
êtes seule ici ?
– Oui.
Mon mari est un passionné d’alpinisme. Pas moi. Et donc, on passe,
depuis maintenant des années, systématiquement nos vacances
séparément. Ce dont je ne me plains pas. Bien au contraire. Parce
que, tout comme vous, avec mon conjoint, sexuellement ce n’est
vraiment pas ça. On est dans la routine. Un petit coup, vite fait,
le samedi soir. Et encore, pas toujours. Je n’y trouve pas vraiment
mon compte.
– J’imagine.
On est, je crois, beaucoup de femmes dans ce cas-là…
– C’est
bien pour ça que moi aussi, je mets les vacances à profit pour me
donner du bon temps. Je n’ai pas la chance d’avoir, tout comme
vous, un chevalier servant attitré. Alors je me fais ouverte aux
multiples possibles qui s’offrent à moi. Tout en restant
résolument sélective. À quarante ans, c’est le moment ou jamais.
Et j’avoue avoir parfois eu, ici ou là, de divines surprises.
Elle
a suivi des yeux quelque chose par-delà la haie. Quelqu’un. Son
Théo.
Elle
s’est levée.
– Il
a dû avoir le temps de recharger les batteries. J’y vais. À
bientôt.
Avec
un grand sourire.
Et
elle s’est éloignée d’un pas décidé.