mardi 9 juillet 2019

Clorinde, ma colocataire (37)


Elle est allée déposer son bol dans l’évier.
– Bon, allez, feu ! Je pars rôder du côté de la grande surface. Il y a des courses à faire n’importe comment. Et vous, j’ai pas de conseils à vous donner, mais moi, à votre place, j’irais jeter un coup d’œil du côté de ce club de pétanque. Histoire de tâter le terrain. Et de vérifier qu’il en fait bien partie, notre magnétiseur. Mais enfin, c’est vous qui voyez, hein !

Le local était fermé, mais il y avait une femme sur le boulodrome. La trentaine. Châtain foncé. Bouclée. Seule.
Elle m’a interpellé à travers le grillage.
– Vous cherchez quelque chose ?
– Non. Enfin si, oui. Je me demandais si, éventuellement, il serait possible de s’inscrire.
– Bougez pas ! J’arrive.
Elle a fait le tour par derrière, m’a ouvert.
– Allez-y, entrez !
Elle s’est activée derrière le comptoir, a déplacé des dossiers, ouvert des tiroirs.
– C’est toujours pareil ! Quand on cherche quelque chose… Faut dire aussi que normalement, les inscriptions, c’est pas moi qui m’en occupe. Mais je peux toujours vous faire remplir la feuille. C’est à la bonne franquette, ici. Pour le reste, les frais, l’assurance, tout ça, vous aurez qu’à voir avec Nadine. C’est la secrétaire, Nadine. Elle est là tous les après-midis. De deux à cinq.
Elle m’a tendu un stylo, regardé remplir le formulaire.
– Vous devez me prendre pour une folle, non ?
Je lui ai lancé un regard interloqué.
– Non. Pourquoi ?
– Ben, une fille qui joue aux boules toute seule, ça craint, non ?
– Ah ! Oh, chacun fait ce qu’il veut.
– En fait, on a une grosse compét le mois prochain, au niveau régional, et si je veux être prête, il y a pas de secret : entraînement, entraînement et encore entraînement.
– Je sais pas si…
– Vous débutez, hein ! Oh, mais faut pas faire de complexes. Vous serez pas le seul, vous verrez. Et puis faut bien commencer par commencer. Tenez, venez, tant qu’on y est, je vais vous donner un casier. Que vous puissiez y mettre vos affaires.
Elle a farfouillé dans un bocal.
– Le 42, il est libre. C’est là-bas. Venez, je vais vous montrer.
On est passés devant le sien. Qui était ouvert. Qu’elle a refermé.

– Et alors là, je te le donne en mille.
– Quoi ? Ben, accouchez !
– Le nom, sur le casier… Mégane Hugonnet.
– C’est pas vrai !
– Eh, si ! C’est pas le mari magnétiseur, l’amant d’Alexandra, qui gagne des trophées à la pétanque, mais sa femme.
– C’est peut-être les deux…
– Non. Parce que tu penses bien que je suis restée bavarder un peu avec. Et que je lui ai posé la question, l’air de pas y toucher. « Mon mari ? À la pétanque ? Oui, oh, ben alors ça, c’est pas demain la veille. Non, lui, à part son boulot et les films américains à la télé, il y a pas grand-chose qui l’intéresse. »
– Et le cul de sa collègue Alexandra. Mais ça, en principe, elle est pas au courant. Bon, ben vous avez sacrément bien avancé, dites donc ! Je suis fière de vous. Et maintenant que vous êtes dans la place, il y a plus qu’à dérouler. On avance… On avance… D’autant que moi, de mon côté, il y a eu mèche avec Alexandra. Elle était au café aujourd’hui. Alors vous pensez bien que j’ai sauté sur l’occasion. On a discuté. Bien. Pas mal. De plein de trucs. Presque une demi-heure durant. Et on remettra ça : je lui ai soutiré ses horaires.

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