mardi 20 mars 2018

Alyssia, ma femme (1)


– Faut que je te parle, Alex. Faut vraiment que je te parle.
– Eh bien, je t’écoute…
Elle a éteint la télé, est venue s’asseoir, sur le canapé, à mes côtés, s’est éclairci la gorge.
– Tu sais que je t’aime. Que je tiens énormément à toi. Tu es quelqu’un avec qui il fait bon vivre. Partager le quotidien.
– Mais ?
– Mais… Oh, la la ! C’est vraiment pas facile.
– Jette-toi à l’eau !
– J’ai rien à te reprocher. Absolument rien. Sauf… que je m’éclate pas au lit avec toi. Que je me suis jamais vraiment éclatée.
– C’est pourtant pas l’impression que tu donnes.
– Je sais, oui. J’ai eu tort. J’aurais pas dû. Mais tu as tellement de qualités par ailleurs. Je voulais pas te faire de peine. Risquer de te perdre. Alors j’ai fait comme si. Et puis… ça avait pas tellement d’importance jusque là tout ça pour moi. C’était pas l’essentiel.
– Mais ça a fini par le devenir.
– Dans un sens, oui. Pas l’essentiel, non. Mais quelque chose d’important. Très.
– Et donc ?
– Ben, donc… Il y a eu quelqu’un.
– Il y a eu ou il y a ?
– Il y a… Il y a encore. Depuis quatre mois ça dure.
– Ah, quand même !
– J’ai cru que ce serait juste une passade comme ça. Mais non. Faut bien que je me rende à l’évidence. Non.
– Et tu veux qu’on se sépare…
– Oh, non. Non. J’ai pas dit ça. Je pourrais pas vivre sans toi.
– Et tu peux pas te passer de l’autre non plus. C’est bien ça ?
– Il y a des semaines et des semaines que je tourne en rond. Sans savoir ce que je peux faire. Ce que je dois faire. Plus ça va et moins j’y vois clair. Je suis complètement dans le brouillard.
– En somme, si je comprends bien, ce que tu attends de moi, c’est que je prenne une décision à ta place…
– C’est pas vraiment ça, non.
– Mais ça revient à ça.
– Je sais pas. Je sais plus. Je suis complètement perdue.

– Bon. Alors reprenons. Tout. Depuis le début. C’est qui ce type ? Je le connais ?
– Oh, non ! Non. Sur un forum je l’ai rencontré.
– Où tu t’es inscrite exprès pour ça.
– Je t’ai dit, Alex. J’ai trente-six ans. Et si je m’éclate pas maintenant…
– Vous vous rencontrez quand ?
– Il y a pas de cours de gym le mercredi soir. Ou du moins j’y vais pas. Ni de sorties avec Coralie le samedi…
– Je vois. Il est marié ?
– Oui.
– Et de son côté, avec sa femme, c’est pas ça qu’est ça non plus.
– C’est le moins qu’on puisse dire…
– Et vous n’envisagez pas…
– De ? Vivre ensemble ? Oui, ben alors là, sûrement pas ! Je t’ai dit : il a jamais été question de ça. Et quand bien même il voudrait, c’est moi qui voudrais pas. Je me fais pas d’illusions. Le quotidien, avec lui, serait complètement insupportable.
– En somme, c’est purement sexuel.
– Voilà, oui.
– Et si tu essayais de m’expliquer ce qui va pas, chez moi, de ce côté-là. C’est quoi ? Je m’y prends mal ?
– C’est pas ça, non.
– C’est quoi alors ?
– C’est… Tu vas te vexer.
– Je te jure que non.
– C’est tout un ensemble. C’est tout toi. Je me sens pas femme avec toi. Tu es gentil. Tu es doux, attentionné, caressant. J’apprécie. La plupart du temps, j’apprécie. Si, c’est vrai, tu sais. Seulement il y a quelque chose qui manque. Il y a des moments où j’ai besoin de me sentir femelle… Complètement femelle. Résolument femelle. Et ça, c’est pas une question de technique. Ou de bonne volonté. Ou de quoi que ce soit d’autre. Il peut bien faire tout ce qu’il veut, le type. Il en est pas maître. Ça se commande pas. C’est en lui. Ou ça l’est pas. Tu comprends ?
– Oh, que oui ! On pourrait difficilement être plus clair.
– T’es pas fâché ?
– Je suis pas fâché, non. Bien sûr que non.

– Tu dors pas ?
– Non. Je réfléchis.
– À quoi ?
– À tout à l’heure. À ce que tu m’as dit.
– Et alors ?
– Et alors… Pourquoi tu m’en parles maintenant de tout ça ? T’étais pas obligée. Je me doutais de rien. Tu jouais sur du velours. Ça aurait pu continuer comme ça pendant des mois et des mois. Sans que je m’en aperçoive. Alors pourquoi ?
– J’étais trop mal. Toujours mentir. Être fausse. Il arrive un moment où c’est insupportable. Où il faut absolument crever l’abcès. Quoi qu’il arrive. Quoi qu’il doive se passer.
– Oui, oh ! Tu prenais pas de gros risques. Tu savais très bien que, de toute façon, je ne te quitterais pas. Que j’en suis totalement incapable. Je tiens beaucoup trop à toi. Tu savais aussi qu’en me présentant les choses comme tu me les as présentées – en pointant du doigt mes insuffisances – je n’aurais pas d’autre solution, une fois au courant, que de te laisser le champ libre. Tu gagnais sur les deux tableaux : tu te déculpabilisais et tu avais les coudées franches pour aller le retrouver toutes les fois que l’envie t’en prendrait. Non, c’est pas ça ?
– Je sais pas, Alex. Peut-être un peu, si.
– Vis ce que t’as à vivre, Alyssia. Vis-le pleinement. Sans t’encombrer d’interrogations et de scrupules superflus. Plus tu te sentiras épanouie, comblée, heureuse et plus je le serai, moi aussi, par ricochet, de mon côté. Tu comprends ?
Elle s’est blottie contre moi dans l’obscurité…
– Tu es quelqu’un d’exceptionnel, Alex. Si, c’est vrai, tu sais…


2 commentaires:

  1. Chouette, le voilà ! Lien mis ! bisous FF

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  2. Merci, Helea. Nous voici partis pour un texte sans fessées, mais qui comportera, malgré tout, nombre de moments quelque peu torrides.

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