Mardi 25 janvier 2084
Marvine
avait des infos. De toute première main.
– Que
je vous explique… Dans les tout prochains jours va être publiée
une étude dont il ressort que… Attendez ! Laissez-moi
retrouver les chiffres exacts… Que, dans le cas où on procèderait
à leur mise hors service sexuelle, fût-elle temporaire, seuls 11 %
des hommes seraient prêts à quitter les centres… À venir vivre
et travailler parmi nous…
Célienne
a hoché la tête…
– Faut
se mettre à leur place aussi… Là-bas, ils foutent rien de la
journée… Et au-dehors faudrait qu’ils bossent… Normal qu’ils
soient pas chauds…
– Si,
par contre, on les laisse disposer de leur pleine intégrité
physique, le chiffre bondit à 68% de volontaires…
Raliette
a éclaté de rire…
– Ben,
tiens ! Là, par contre, ça les gêne plus de bosser… Comme
par hasard… Pour être clair, c’est clair… Je vous plains, les
filles, si ça devait se faire un jour… Je vous plains vraiment…
Parce que, pour l’avoir vécu, je sais ce que c’est…
– Maintenant,
en ce qui concerne les femmes, elles sont 92 % à trouver
parfaitement anormal qu’après trente ans, une fois leur mission
reproductrice accomplie, on les entretienne des années durant à ne
rien faire…
– Ah,
ça, on peut pas leur donner tort…
– 78 %
d’entre elles seraient favorables à ce qu’on les mette au
travail… À condition qu’ils aient été, au préalable, mis
sexuellement hors d’état de nuire… 6 % seulement ne
verraient pas d’inconvénient à ce qu’on les laisse « en
l’état »… Quant aux autres, elles ne se prononcent pas…
– Et
alors ça va donner quoi tout ça ?
– Ça
va donner que, fortes du soutien de l’opinion publique, nos
dirigeantes vont « mettre sur le marché » quelques
centaines d’hommes… Tous volontaires… Et soigneusement triés
sur le volet…
– Impuissants ?
– Ce
ne sera pas irréversible, mais impuissants, oui… Cela va de soi…
En fait, le but, à terme, c’est de TOUS les réintégrer, par
vagues successives… Ce qui ne sera possible que si, avec cette
première fournée, tout se passe sans problème majeur… Le moindre
dysfonctionnement provoquerait une levée de boucliers… Et tout
serait remis en question… C’est pourquoi ces « pionniers »
ne seront hébergés que par des femmes en qui elles ont une
confiance absolue…
– Oh,
toi, je te vois venir… On t’a demandé d’en récupérer un…
C’est ça, hein ?
– Dans
la mesure où je travaille au centre… Où j’y suis connue…
C’était pratiquement inéluctable…
– Et
t’as répondu quoi ?
– Que
je vivais pas toute seule… Qu’il fallait que j’en parle avec
vous…
Célienne
a battu des mains…
– Oh,
oui… Oh, oui… On va le prendre… J’en ai jamais vu, moi… Ça
doit être trop rigolo… On pourra lui faire faire tout ce qu’on
veut ? Le ménage… Les courses… Tout ça…
– Il
aura, comme nous toutes, un travail à l’extérieur… Mais dans la
mesure où il habitera ici, avec nous, il faudra bien qu’il
participe aux tâches ménagères…
Raliette
a fait la moue…
– Je
voudrais pas avoir l’air d’être obsédée par ça, mais est-ce
qu’on est sûr à cent pour cent du produit qui les met hors d’état
de nuire ? Il est TOUJOURS efficace ? Ils pourraient pas se
procurer un antidote ?
– Il
n’en existe pas… Non… T’inquiète pas… Toutes les
précautions seront prises… Et toi, Amerina, tu en penses quoi ?
– Que…
pourquoi pas ? À condition qu’il soit pas complètement
imbuvable le type… Qu’il nous rende pas l’existence impossible…
Parce qu’on s’entend bien toutes les quatre et si c’est pour
qu’il sème la zizanie entre nous…
– De
ce côté-là non plus pas de souci… Je les connais tous ceux qui
vont sortir… Ils me sont tous passés entre les mains… Et pour
cause… J’ai parlé avec eux… Je les ai vus à l’œuvre… Je
les ai jaugés… Alors pas besoin de vous en faire que celui sur
lequel je jetterai mon dévolu – puisqu’on m’a assuré que
je pourrai choisir – ne posera pas le moindre problème…
Célienne
lui a sauté au cou…
– C’est
vrai ? Tu vas nous en ramener un alors… Je suis trop contente…
Ce sera quand ?
– Normalement
le 1er mai… C’est ce qu’est prévu…
– Comment
ça va être long jusque là…